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présence du premier ministre dans vos rangs ? — En agissant ainsi, je ne faisais qu’obéir, répondit le prisonnier ; son excellence m’avait dit d’user de ce stratagème pour effrayer l’ennemi, parce que votre serviteur n’était point capable de combattre un général tel que vous. Tsao n’est pas ici ; mais au camp de Ly-Yang, d’où il m’a envoyé l’ordre d’avancer avec mes troupes ! »

Hiuen-Té lui fit donner des vêtements et offrir à manger ; mais il voulut qu’on le tint sous bonne garde en attendant que les mesures fussent prises pour attaquer l’autre général ennemi, Liéou-Tay. « Si je l’ai enlevé vivant, dit alors Yun-Tchang, c’est que je pensais, frère, que vous aviez l’intention de vous servir de lui pour négocier la paix ! — Et moi, répondit Hiuen-Té, je craignais que Tchang-Fey, emporté par sa nature fougueuse et sa colère, ne le tuât en combattant ; voila pourquoi je ne lui ai pas permis d’attaquer. On ne gagne rien à mettre à mort des hommes de l’espèce de notre prisonnier ; en les traitant bien, au contraire, on prépare les voies de la pacification ! » — Au même instant Tchang-Fey s’écria : « Puisque mon frère Yun [1] a pris vivant ce chef ennemi, laissez-moi aller prendre l’autre ! »

Or, ce Liéou-Tay avait été commandant de Yen-Tchéou [2] ; au combat livré près du passage de Hou-Lao par les grands vassaux ligués contre Tong-Tcho, il marchait de pair avec ces généraux éminents : un pareil ennemi devait donc être attaqué avec prudence. Tels furent les avis que donna Hiuen-Té au fougueux guerrier : « Un homme de sa trempe, répondit celuici, vaut-il la peine qu’on y regarde de si près ! Comme mon frère Yun a pris l’autre vivant, ainsi enlèverai-je celui qui reste. — Je crains que vous ne lui ôtiez la vie, reprit Hiuen-Té, et que vous ne compromettiez par la tous mes grands projets. — Si je le tue, qu’on me tue moi-même », s’écria Tchang-Fey. HiuenTé le laissa partir à la tête de trois mille hommes.

  1. Littéralement : Mon second frère aîné ; on a vu (tome Ier, page 11) que Hiuen-Té, Yun-Tchang (son surnom Kouan Kong), et Tchang-Fey (son surnom Y-Té) avaient échangé le titre de frère dans l’ordre où ils sont désignés ici.
  2. Voir vol. Ier, page 82 et page 92.