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Là-dessus Hiuen-Té demanda lequel de ses deux frères d’armes se chargeait de faire une reconnaissance : « Moi ! cria Tchang-Fey. — Non, dit Hiuen-Té ; vous êtes trop emporté, trop fougueux ! — Si Tsao est là en personne, je l’attaquerai, je vous l’amènerai captif, reprit le guerrier ! — Non, non ; bien qu’il soit pour l’Empereur un véritable fléau, le premier ministre a reçu de Sa Majesté l’ordre de soumettre tous les rebelles. A des injonctions si plausibles, si respectables, on ne peut désobéir ; l’attaquer, ce serait nous rendre coupables de rébellion ! — Avec de pareils discours, murmura Tchang-Fey, vous le laisserez venir jusqu’ici les bras croisés ! — Mais enfin, dit Hiuen-Té, rien ne me prouve encore que Youen-Chao veuille nous prêter secours ; dois-je provoquer la colère de Tsao, pour qu’il vienne ici à la tête de sa puissante armée ? C’est alors qu’il ne nous resterait plus qu’à mourir ! »

« Vous vous exagérez les forces de l’ennemi et vous diminuez les vôtres à plaisir, dit Tchang-Fey ! — On lit dans les traités sur l’art militaire [1]  : Connaissez-vous vous-même, connaissez bien les autres, et cent combats fussent-ils livrés, cent fois vous triompherez, répartit Hiuen-Té ; si vous ne connaissez que vous-même, les avantages seront balancés ; si vous ne connaissez ni les autres ni vous-même, vous serez toujours battu. Telle est la règle invariable établie depuis des siècles ; et bien, je réfléchis que peu de vivres me restent dans ces murs, que tous les soldats que j’ai ici ont servi sous Tsao-Tsao ; et j’en conclus que je ne puis lui

  1. Art. 3 de Sun-Tsé : « ....... Si vous joignez à la connaissance que vous devez avoir de vous-même et de tout ce que vous pouvez ou ne pouvez pas, celle de tous ceux qui sont sous vos ordres, eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux. Si vous ne connaissez pas, etc.............. » Mémoires sur les Chinois, vol. VII, page 75. Dans la phrase de notre texte, il vaut mieux, peut-être, opposer l’ennemi à celui qui parle et dire : « Si vous vous connaissez vous-même, et que vous connaissiez bien votre ennemi.» Par respect pour la traduction du passage cité, nous nous rangeons de l’avis du P. Amiol. D’ailleurs, ce savant missionnaire a traduit les livres qui traitent de l’art militaire sur un texte tartare, et ici même l’interprète tartare rend par niyalma, les hommes, autrui, et non par pata ennemi, le mot qui pourrait offrir quelque doute.