Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/156

Cette page n’a pas encore été corrigée

Un conseiller (du pays de Kuu-Lou), nommé Tien-Fong, se leva et dit : « Toute l'année nous avons eu des troupes sur pied, le peuple est aux abois. Avec cela, les vivres manquent, les ressources sont épuisées, et si nous levons de nouveaux impôts plus considérables, c’en est fait de ce royaume (à peine établi) ! Envoyez d’abord une dépêche à l’Empereur, pour lui annoncer la ruine et la mort de Kong-Sun-Tsan [1] ; occupez-vous de faire produire les terres et de laisser reposer les populations[2]. Si notre envoyé ne pénètre pas jusqu’auprès du souverain, nous dirons hautement que Tsao-Tsao ferme les avenues du trône. Puis nous rassemblerons des troupes à Ly-Yang, nous réunirons furtivement un grand nombre de bateaux en dedans du fleuve Ho ; nous ferons préparer des armes de toute espèce ; nos troupes bien exercées, répandues le long de la frontière, ne laisseront pas à l’ennemi un instant de repos. Dans trois ans nos grands projets seront mûrs, et vous pourrez enfin fonder un royaume ! »

Un seul mandarin désapprouva hautement ce conseil ; c’était comme le reconnut Youen-Chao, un personnage à la physionomie courageuse, aux traits mâles et robustes (né au pays de Oey-Kiun), du nom de Chen-Pey (son surnom Tching-Nan) : « Dans les traités d’art militaire, s’écria-t-il, il est dit [3] : Si vous êtes dix

  1. Voir plus haut, page 126.
  2. Le cinquième précepte de l’Empereur Yong-Tcheng aux gens de guerre, recommande de cultiver les terres avec soin. « Ouvrez le sein de la terre, préparez-la, ensemencez-la, cultivez-la, recueillez ce qu’elle vous offre, etc. » Mémoires sur les Chinois, vol. VII, page 27 et suivantes.
  3. Au vol. VII des Mémoires sur les Chinois, article III de Sun-Tsé (page 73) on lit : « Si vous êtes dix fois plus nombreux que ne l’est l’ennemi, environnez-le de toutes parts ; ne lui laissez aucun passage libre, faites en sorte qu’il ne puisse ni s’évader pour aller camper ailleurs, ni recevoir le moindre secours. Si vous avez une fois plus de monde que lui, disposez tellement votre armée, qu’elle puisse l’attaquer par quatre cotés à la fois quand il en sera temps. Mais si de part et d’autre il y a une même quantité de monde, tout ce que vous pouvez faire, c’est de hasarder le combat. » On peut soupçonner le traducteur d’avoir paraphrasé les paroles de Sun-Tsé. Ici, le texte chinois est plus concis ; il y a littéralement : « dix, entourer ; cinq, attaquer, etc. » Ce que la version tartare traduit et développe ainsi : Si vous êtes dix fois plus fort, entourez ; si vous êtes cinq fois plus fort, attaquez la ville ; si vous êtes égal en force, combattez.