Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/150

Cette page n’a pas encore été corrigée

viens, les mains liées, faire ta soumission ? Viens t’humilier devant le premier ministre, si tu veux éviter le châtiment de tes crimes ! — Petit marchand de nattes, vil faiseur de pantoufles [1], répliqua Youen-Chu d’un ton injurieux, oses-tu bien me manquer de respect »

À ces mots il s’élance ; Hiuen-Té recule à dessein, de manière a l’exposer à la double attaque des deux autres corps d’année. Youen-Chu, complètement défait, rallie à peine mille soldats et veut battre en retraite vers la ville de Tchéou-Tchun. Mais cette ville était au pouvoir des brigands (qui maintenaient leur indépendance à la faveur des guerres civiles). Forcé de se replier sur Kiang-Ting, d’abandonner son argent et ses vivres entre les mains de Louy-Pou et de Tchin-Lan (que nous avons vus plus haut retirés dans les monts Tchong-Chan), il se trouva réduit à trente boisseaux de blé. Il distribua ces faibles ressources aux soldats ; les habitants qui n’avaient rien à manger, mouraient de faim par centaines. Youen-Chu, ennuyé de manger de mauvais riz enveloppé de sa pellicule, ne pouvait plus l’avaler ; il demanda à son cuisinier de lui donner de l’eau de miel. « Où en prendrais-je, répondit le cuisinier ? il n’y a ici que de l’eau de sang ! »

À ces mots Youen-Chu s’appuya sur son lit, poussa un grand cri et tomba à terre en rejetant par la bouche une pinte de sang.... Il était mort [2].

  1. On se rappelle la première profession de Hiuen-Té. Voir vol. Ier, page 9.
  2. Voir l’abrégé de ces événements, historiques quant au fond, le vol. IV, pages 33, 24 et 25 de l’Histoire générale de la Chine. On y lit, page 25 : « Lorsque Youen-Chu arriva à Kiang-Ting, le cœur accablé de chagrin, il se jeta sur un Ut, et ressentant toute l’amertume du triste état où il était réduit, il se mit à se lamenter. Il pleura avec une telle violence, qu’il se rompit une veine et mourut après avoir vomi le sang à gros bouillons. » A la suite de ce récit, vient celui de la conspiration que notre texte a racontée dans les chapitres précédents.— L’édition in-18 a résumé, dans les huit vers qui suivent, la mort de Youen-Chu :

    « Vers la fin de la dynastie des Han, des guerriers se levèrent aux quatre coins de l’Empire ;
    » Vainement Youen-Chu poussa l’orgueil jusqu’à l’extravagance,
    » Vainement, parce que depuis des générations, le titre de ministre passait dans la famille,
    » Voulut-il prendre le nom qui n’appartient qu’à l’Empereur, et ce faire maître souverain.
    » Par la force et par le mensonge, il fit arriver en ses mains le sceau héréditaire.
    » Dans son délire hautain, il osa dire que des pronostics surnaturels l’appelaient au trône.
    » Tourmenté par la soif, il demanda une boisson rafraîchissante sans pouvoir l’obtenir.
    » Il ne put faire autre chose que se coucher sur son lit ; pois il vernit le sang et mourut. »