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deviné leur pensée ; nous n’avons donc pas besoin de jongleurs [1] ! » Cette réponse fit sourire Hiuen-Té ; Tsao versa une pleine coupe de vin à chacun des deux guerriers qui l’acceptèrent avec politesse ; et le repas se termina aussitôt.

Quand, après avoir pris congé de son hôte, Hiuen-Té fut rentré dans sa demeure, Yun-Tchang lui dit combien ils avaient été inquiets de le savoir emmené chez le ministre. Hiuen-Té raconta à ses deux frères d’armes la petite scène des bâtonnets ; mais ils n’en comprirent pas le sens, et il le leur expliqua ainsi : « En m’occupant à jardiner et en affectant d’avoir peur de la foudre, j’ai eu la même pensée. Tsao est un homme artificieux et perfide ; je suis sûr que ses espions me surveillent nuit et jour. Si je suis resté dans mon jardin à planter des légumes, c’était afin qu’il me crût tout à fait oisif ; si j’ai laissé tomber les bâtonnets, ça été parce qu’il venait de m’appeler en face un homme héroïque. Je n’ai rien répondu, mais la foudre ayant grondé au même instant, j’ai donné cette marque de frayeur, en disant que je craignais le tonnerre ; Tsao, je l’espère, me regardera comme un enfant timide, et ne songera pas à me nuire ! » — À cette explication, Yun-Tchang témoigna combien il admirait les vues élevées de son frère aîné, qui avait si habilement détourné les soupçons du premier ministre.

Le lendemain, Tsao invita de nouveau Hiuen-Té ; pendant le repas, des courriers annoncèrent le retour de Man-Tchong, qui avait été envoyé vers le pays occupé par Youen-Chao, pour en apprécier la situation. Tsao voulut qu’on fit entrer le mandarin : « Je vous ai chargé d’aller au nord du fleuve Ho, lui dit-il ; donnez-moi des nouvelles de ce qui se passe dans ces contrées. — Il n’y a rien de changé de ce côté, répondit Man-Tchong, si ce n’est que Kong-Sun-Tsan [2] a été détruit par Youen-Chao. » Et comme Hiuen-Té désirait connaître les détails de cet événement,

  1. Il y a dans le texte la porte dite 'Hong-Men ; c’était le nom d’une porte de la capitale, de celle où l’on faisait les exécutions. Le texte dit aussi : Qu’avons-nous besoin de Hiang-Tchoang et de Hiang-Pé ; ce sont deux personnages célèbres par leur adresse dans le maniement du sabre.
  2. Voir vol. Ier, livre III, chap. Ier, et plus haut, page 62.