Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/123

Cette page n’a pas encore été corrigée

peine à supporter de pareilles choses ! Je voulais délivrer la dynastie du fléau qui l’opprime ; pourquoi m’avez-vous arrêté ? — Si vous jetez le rat, prenez garde au vase[1]. Quand je vous ai vu en colère, je me suis hâté d’arrêter votre bras, parce que Tsao était entouré d’un très grand nombre de ses partisans les plus dévoués. Vous eussiez manqué votre coup, sans acquérir aucun mérite. Et s’il s’était porté à quelque extrémité envers l’Empereur, la faute en retombait sur nous ! J’ai donc dû réprimer votre mouvement ! — Frère, reprit Yun-Tchang, vous le verrez ! En m’empêchant de tuer aujourd’hui cet hypocrite, ce tyran, vous avez préparé dans l’avenir de grands malheurs ! — Ce sera à nous d’y veiller, » répondit Hiuen-Té.

Cependant, de retour dans son palais, le jeune souverain se rendit près de l’Impératrice Fo-Hwang-Héou, et lui dit en versant des larmes : « Hélas, hélas ! depuis que je suis sur le trône, je n’ai cessé d’avoir à souffrir l’oppression de quelque arrogant ministre. D’abord, j’ai eu à endurer le joug de Tong-Tcho ; puis sont venus les troubles suscités par Ly-Kio et Kouo-Ssé[2]. Les autres hommes n’ont point de pareilles douleurs ; c’est à vous et à moi qu’elles sont réservées !... J’avais cru trouver en Tsao un soutien, un appui de mon trône ; voila que par une suite de menées artificieuses, de desseins ambitieux, il s’est emparé de toute l’autorité dans l’Empire, et je ne suis plus rien à ses yeux. Quand je m’assieds sur le siège impérial et que je l’ai la devant moi, il me semble que je suis sur un tas d’épines. Aujourd’hui, à la chasse, il s’est tenu devant ma personne, quand les mandarins criaient : Vive l’Empereur ! comme si ces cris eussent été pour lui. Bientôt, un jour ou l’autre, j’en suis sûr, il réalisera sa secrète pensée en usurpant le pouvoir souverain. Et cependant, nous ne savons pas même, ni vous, ni moi, dans quel lieu il nous faudra mourir ! »

  1. Ce proverbe, dont les dictionnaires ne donnent pas le sens, parait signifier ici : Si vous voulez vous défaire de Tsao-Tsao, ménagez les jours de l’Empereur, que votre zèle imprudent pourrait compromettre. Le texte tartare traduit littéralement, et l’édition in-18 omet ce passage.
  2. Voir vol. Ier, les chap. II du livre II, et III du livre III.