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voilà pourquoi je t’ai abandonné ! — Si vous m’avez quitté par suite de ces scrupules, je m’étonne que vous ayez suivi Liu-Pou ! — Il ne sait pas se conduire, j’en conviens, mais ce n’est pas comme toi un hypocrite, un héros de parade ! »

« Kong-Tay, reprit Tsao, votre prudente sagacité, les ressources de votre esprit vous ont mené..... vous voyez où ! — Oh ! répondit Kong en se tournant vers Liu-Pou, c’est qu’il n’a pas voulu suivre mes conseils, cet homme ! s’il m’eût écouté, j’en suis sûr, il ne serait pas prisonnier aujourd’hui ! »

Tsao sourit à ces paroles et ajouta : « Eh bien, que pensez-vous de l’état présent des affaires ? — Les mandarins n’ont plus de fidélité envers leur prince, les enfants n’ont plus de piété filiale ; mourir est la seule chose désirable. — Soit, mais dans ce cas que deviendra votre vieille mère[1] ? — J’ai entendu dire que ceux qui gouvernent l’Empire avec un saint respect pour la piété filiale[2], s’abstiennent de punir les parents des gens mis à mort. Le sort de ma vieille mère est entre les mains de votre excellence ! — Et votre femme et vos enfants ? — J’ai entendu dire que ceux qui gouvernent au nom de l’humanité, ne coupent point le fil des générations ; le sort de ma femme et de mes enfants est entre les mains de votre excellence ! »

Tsao ne pouvait se résoudre à faire périr le captif ; mais celui-ci s’écria : « Laissez-moi sortir et chercher la mort comme le veulent les lois de la guerre ! » Et il se précipita du haut du pavillon en bas, avant que les gardes eussent pu l’arrêter. Le premier ministre s’était levé, il le regardait les larmes aux yeux ; Tchin-Kong détournait la tête pour ne pas rencontrer ses regards. S’adressant alors aux gens de sa suite, Tsao leur dit : « Je veux

  1. Tsao fait tout ce qu’il peut pour attendrir Tchin-Kong ; dans son orgueil, il aimait à humilier ou à faire fléchir ses ennemis ; dans sa prudence, il cherchait un prétexte de sauver la vie à un homme supérieur pour se l’attacher. Si Tchin-Kong eût demandé la vie, Tsao, d’après les lois et les usages du temps» pouvait la lui accorder.
  2. Voir vol. Ier, page 303, ce qui a été dit sur le sens très étendu de ce mot. Il ne faut pas oublier que les parents des condamnés » dans le cas de rébellion, ascendants, descendants et collatéraux, doivent être mis à mort.