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le Lièvre-Rouge ; puis[1], prenant en main sa lance célèbre, il se précipita hors des murs, suivi de ses deux lieutenants. Comme il approchait du camp de Hiuen-Té, vers la seconde veille, la lune répandait une faible lueur. Un coup de tambour retentit ; Yun-Tchang est là sur la route, barrant le passage et criant : « Arrête ! » Le combat s’engage ; après une courte lutte, Liu-Pou esquive l’ennemi et se sauve en avant. Tchang-Fey le poursuit alors avec ses troupes ; mais Liu-Pou ne s’anime point à la bataille ; ce qu’il veut à tout prix, c’est franchir l’obstacle et passer. A son tour arrive Hiuen-Té, à la tête de sa division ; de part et d’autre on se bat avec acharnement ; Liu-Pou est doué d’un indomptable courage ; mais il emporte avec lui sa fille ; et tremblant qu’elle ne reçoive quelque blessure, il n’ose se jeter dans la mêlée pour se frayer une route à travers les lignes ennemies.

Deux lieutenants de Tsao arrivent aussi[2] ; les flèches pleuvent comme la grêle ; dans toute l’armée impériale ce n’est qu’un cri : « Arrêtez, arrêtez Liu-Pou ! » Et Liu-Pou, voyant que le chemin se ferme devant lui, n’a plus qu’à retourner dans les murs de la ville ; Hiuen-Té rallie ses soldats ; Su-Hwang et Hu-Tou rentrent dans les retranchements. Revenu dans la place, Liu-Pou, dévoré de chagrins et d’inquiétudes, ne fit plus que boire.

Il y avait deux mois déjà que Tsao bloquait inutilement la ville de Hia-Pey, quand on lui apporta les nouvelles suivantes. Tchang-Yang, sorti du Ho-Neuy dans l’intention de secourir Liu-Pou, avait été assassiné (à Tong-Chy) par son lieutenant Yang-Tchéou. Celui-ci venait offrir la tête du rebelle au premier ministre ; mais il avait été égorgé à son tour par Kouey-Kou qui, loin de se soumettre, s’était jeté dans la ville de Kiuen-Tching. Tsao

  1. La phrase chinoise est ainsi construite : Le lendemain, le ciel s’étant obscurci, Liu-Pou prend sa fille, l’enveloppe dans une armure et monte sur le Lièvre-Rouge ; sa fille est en croupe derrière lui ; dans sa main, il brandit sa lance peinte. C’était l’heure de la seconde veille ; au milieu de la nuit, la lune brillait faiblement. On ouvre les portes de la ville ; Liu-Pou s’élance en avant, ses deux lieutenants le suivent. — On conçoit qu’il est impossible de traduire ainsi un ouvrage de longue haleine.
  2. Su-Hwang et Hu-Tou.