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CHAPITRE VI.


Mort de Liu-Pou.


I.


[Règne de Hiao-Hien-Ty[1]. Année 198 de J.-C.] Deux de ses lieutenants, Kao-Chun et Tchang-Liéao, l’arrêtèrent par leurs représentations : « Tchin-Kong est un mandarin fidèle, loyal, qui parle à cœur ouvert ; seigneur, daignez réfléchir.... » Et remettant le sabre dans le fourreau, Liu-Pou reprit avec un sourire : « Je voulais jouer, mon ami ! mais indique-moi quelque moyen pour arrêter Tsao ? » Le conseiller répondit d’abord qu’il n’en connaissait aucun ; puis cédant aux supplications de Liu-Pou, il ajouta : « Oui, j’en sais un, mais le mettrez-vous à exécution ? — Et s’il est bon, pourquoi pas ? — Le voici : L’armée impériale vient de loin ; si elle s’établit fortement ici, nous ne pourrons résister. Avec vos troupes, infanterie et cavalerie, allez hors des murs, général, et dressez des retranchements solides, menaçant ainsi l’ennemi au dehors, tandis qu’au dedans je défendrai la place avec le reste des soldats. Si Tsao vous attaque, je serai là pour vous secourir ; s’il se porte contre la ville, vous me rendrez le même service. En moins de quinze jours, les siens auront épuisé leurs vivres, et au premier coup de tambour nous les tenons. C’est la ce qu’on appelle le stratagème des deux cornes du taureau (l’art de frapper sur deux points à la fois). »

  1. Ce chapitre est sans contredit l’un des plus remarquables du San-KouéTchy ; il représente, pour ainsi dire, le dernier acte d’un drame dont Liu-Pou serait le héros ; triste héros, à la vérité, impétueux et irrésolu, trahi par les siens qu’il ne sait pas s’attacher, comme il a trahi ses maîtres, et conduit à sa perte pas à pas, comme un tigre traqué tombe dans la fosse du chasseur.