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mais les dix favoris cachaient ces requêtes à l’empereur et lui faisaient croire que la Chine jouissait du repos le plus complet.

Un jour, cependant, ce souverain aveuglé, étant à se réjouir dans un parc retiré avec ses favoris, un grand du royaume, le moniteur impérial Liéou-Tao, pénétra jusqu’au milieu du groupe en poussant des gémissements, et quand l’empereur lui demanda la eau e de sa douleur, il répondit : « Sire, du matin au soir la dynastie des Han est entourée de périls, et vous restez à boire avec vos favoris ! — Mais, reprit le monarque, l’empire est depuis longtemps tranquille ; quel danger signalez-vous ? — Des révoltes qui éclatent de toutes parts et ruinent le pays : vos favoris en sont la cause, ils corrompent les magistrats et oppriment le peuple ; le souverain est circonvenu, son autorité anéantie ; les honnêtes gens désertent la cour, de grands malheurs se préparent ! »

La tête nue et pleurant, les eunuques s’étaient jetés aux pieds de l’empereur : « Sire, les grands mandarins en veulent à notre vie, dirent-ils, et nous devons tous périr ! permettez au moins qu’ayant sauvé nos jours, nous nous retirions dans nos terres, et nous sacrifierons nos revenus aux besoins de l’armée qui combattra vos ennemis. »

« Mais vous, dit alors l’empereur au moniteur Liéou-Tao, vous avez aussi des amis, pourquoi vous acharner contre ces pauvres courtisans qui me sont si chers ? » Et se retournant vers ses gardes : « Emmenez-le, cria-t-il, et qu’il soit décapité. » À ces mots, Liéou-Tao répondit : « Je sais mourir sans peur ! Hélas ! l’empire est resté quatre siècles aux mains des Han, et dans un jour la dynastie doit périr ! »


II.[1]


Les gardes allaient obéir, quand un grand dignitaire leur ordonna de lâcher Tao : « Ne mettez pas la main sur lui, leur cria-t-il ; attendez que j’aille parler à Sa Majesté. » Celui qui

  1. Vol. I, livre I, chapitre IV, p. 54 du texte chinois.