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il interpelle l’inspecteur d’une voix terrible : « Brigand qui tyrannisez le peuple, me reconnaissez-vous ? » Celui-ci se lève précipitamment, appelle les gens de sa suite, mais déjà Fey, qui l’a saisi par les cheveux, l’entraîne hors du palais ; là il le lie au piquet qui sert à attacher les chevaux, et arrachant des branches de saule bien flexibles, il veut lui en appliquer au bas du dos deux cents coups.

Il avait déjà rompu dix baguettes sur le mandarin, quand par hasard Hiuen-Té, qui passait par là tout attristé, entend le tumulte à la porte de l’hôtel et en demande la cause : « C’est votre frère adoptif, lui répond-on, qui fustige un homme devant le palais. » Il y court, et voit Fey qui, éclatant en invectives contre l’inspecteur lié au poteau, le rouait de coups.

« Et pourquoi ce châtiment ? demanda Hiuen. — Parce que, répondit Fey, c’est un bandit ; il tyrannise le peuple, et je veux le frapper jusqu’à ce qu’il en meure. »

Tout meurtri, le mandarin suppliait Hiuen-Té de lui sauver la vie ; et celui-ci, plein d’humanité, ordonna bien vite à Fey d’arrêter son bras. Mais Kouan-Yu qui l’accompagnait s’écria : « Notre frère a acquis de grands mérites et on ne lui a accordé que le gouvernement d’un district : voilà que ce mandarin le traite avec le dernier mépris ! Il me semble pourtant que la ronce des bois n’est pas la branche sur laquelle il convient au phénix de se poser ! il faut tuer cet inspecteur arrogant, quitter l’emploi et retourner dans notre pays pour y méditer d’autres grandes entreprises. »

À ces mots, Hiuen-Té détachant de son cou le sceau, signe du pouvoir, le suspendit à celui du mandarin châtié, en lui disant avec reproche : « Bandit qui opprimez vos subordonnés, vous mériteriez d’avoir la tête tranchée, mais je vous fais grâce ; reprenez les insignes d’un pouvoir auquel je renonce ; je retourne sous mon toit. » Et le soir même, les trois amis se mettaient en route pour le Tcho-Kun ; le peuple de la ville avait délié le mandarin.

Averti par le magistrat flagellé de cette audacieuse incartade, le gouverneur de la province porta l’affaire devant le tri-