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fut assis sur son siége, Hiuen vint se placer humblement devant lui comme un suppliant ; mais le mandarin le laissa bien une heure dans cette posture, et lui dit : « Qui êtes-vous, commandant, quelle est votre famille ? — Je descends de Tsing-Wang de Tchong-Chan, répondit Hiuen ; j’ai gagné mon grade par trente combats contre les Bonnets-Jaunes. » Ces paroles irritèrent le mandarin : « Vous prétendez faussement être allié à la famille impériale, s’écria-t-il ; vous êtes un homme vain, vos services sont fort médiocres ; dès aujourd’hui j’adresse une requête à Sa Majesté ; je veux vous interroger, vous et vos pareils, afin de mettre hors d’emploi les mandarins prévaricateurs et les administrateurs infidèles. »

La réponse de Hiuen-Té fut pleine de modération ; de retour chez lui il consulta le greffier : « Des présents, disait celui-ci ; il faut des présents à l’inspecteur ; c’est un homme puissant ! — Mais, répondit Hiuen-Té, je n’ai pas détourné un taël des impôts, où trouverais-je de quoi faire des présents ? » Le lendemain, l’inspecteur appela les employés du tribunal et les força de rédiger une requête contre Hiuen-Té, l’accusant d’opprimer le peuple et de l’accabler d’exactions. En vain celui-ci demanda-t-il à s’expliquer devant l’inspecteur, la porte lui fut fermée ; il s’en retourna donc le cœur gros par les rues de la ville.

Cependant son frère adoptif, Tchang-Fey, après avoir un peu bu, se dirigeait à cheval du côté de l’Hôtel-des-Postes, quand il aperçut une soixantaine de vieillards qui sanglotaient, rangés tous devant la porte. « Qu’y a-t-il ? s’écrie Fey. » Et ils lui répondirent : « Le greffier a cédé aux menaces du grand mandarin qui veut perdre notre gouverneur, et nous pleurons ici parce qu’on nous refuse la permission d’entrer et de déposer en sa faveur ; les portiers nous ont même repoussés avec des coups ! »

Plein de colère, Fey roule des yeux terribles, grince des dents et saute à bas de son cheval en se précipitant vers l’hôtel ; à sa vue les sentinelles fuient épouvantées. Il court jusque dans la salle du fond, où le mandarin, dans l’exercice de sa charge, était assis sur son siége ; renversant les employés du tribunal,