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tambours de cuivre, tout tomba en son pouvoir. Liang et Pao ne purent éviter d’être pris qu’en se battant comme des désespérés. Alors Tsao se rendit près des deux commandants impériaux, qui le récompensèrent de sa victoire par des présents ; puis il s’en retourna, joyeux de son succès, tandis que ceux-ci poursuivaient les fuyards.

Cependant, ignorant ce qui se passait, Hiuen-Té et ses deux amis arrivaient à Yng-Tchouen. De loin ils entendent le bruit du combat, ils voient la flamme de l’incendie illuminant les ténèbres ; en toute hâte ils font avancer leurs troupes ; déjà les brigands étaient en pleine déroute. Hiuen-Té se rend près des deux généraux victorieux et leur explique la position difficile de Lou-Tchy. « Liang et Pao n’ont plus ni crédit ni armée, dirent alors les commandants ; ils vont se jeter dans le Kwang-Tsong sur les traces de leur frère Tchang-Kio. Portez-vous

    relevé furtivement, tu as donc été pris d’un vertige ! — Hélas, répondit celui-ci, ces convulsions ne sont point en moi un mal naturel ; mais comme je n’aime plus mon oncle, sa vue me cause ces tristes attaques ! » Le père crut ce mensonge, et n’écouta plus les paroles de l’oncle quand il lui dénonçait les fautes de son fils. Dès lors, le jeune Tsao s’abandonna à une vie moins réglée encore ; il ne prit aucune carrière, et ne s’attira l’estime de personne.

    Cependant un certain Kiao-Hiuen dit un jour en le désignant : « Dans l’empire il y aura de grands troubles ; ceux qui se chargeront d’arrêter les désordres et de ramener la paix, doivent être doués d’une capacité supérieure que le ciel leur aura donnée ; sinon, ils ne réussiront pas dans leur entreprise ! Mais voilà celui qui a reçu cette mission ! » Un certain Ho-Yong de Nan-Yang dit aussi en regardant Tsao : « La dynastie des Han va succomber ; celui qui pacifiera l’empire, assurément c’est ce jeune homme ! »

    Une autre fois, Tsao étant allé voir un nommé Hu-Chao de Jou-Nan, homme de grande réputation, pour lui demander son horoscope, celui-ci refusa d’abord de répondre ; interrogé de nouveau par Tsao, le devin dit enfin : « Vous serez celui qui dirigera le monde ! Au milieu des désordres qui se préparent, vous brillerez comme un héros ! » Tsao, enchanté de ces prophéties, remercia beaucoup le physionomiste. À l’âge de vingt ans, sa bonne conduite et sa probité lui valurent le rang de membre d’un tribunal, et plus tard celui de chef de la police d’un des quartiers de la capitale.

    Dès son entrée en fonctions, il fit placer aux quatre coins de la ville dix bâtons de cinq couleurs, et quiconque transgressait les lois, il le faisait châtier sans égard pour sa naissance. L’oncle d’un certain Kien-Cho, eunuque de l’empereur Ling-Ty, et fort aimé de Sa Majesté, s’étant promené la nuit dans les rues avec un sabre, contre la défense qu’en avait faite Tsao, les gens de patrouille envoyés par celui-ci pour veiller au repos de la ville, lui amenèrent le délinquant ; Tsao lui fit donner la bastonnade. Depuis lors, personne dans la ville ou hors des murs ne fut assez hardi pour mépriser ses ordres. Dans l’empire, sa sévérité était proverbiale.

    Bientôt Tsao reçut le grade de commandant de Tun-Keou.