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fuir éperdus, et on en fit un massacre qui dura jusqu’au jour.

Tchang-Liang et Tchang-Pao se retiraient avec les débris de leur armée, lorsqu’ils se trouvèrent face à face avec une troupe de cavaliers, portant une bannière rouge, qui leur barra le chemin. Au milieu de leurs rangs paraissait un guerrier haut de sept pieds ; il avait les yeux perçants et les cheveux longs, et remportait autant sur les autres hommes par sa force physique que par les ressources extraordinaires de son esprit. Son nom était Tsao-Tsao, son surnom Meng-Té[1].

Quand éclata la révolte des Bonnets-Jaunes, on le nomma chef d’une division de cavalerie. Cette fois, à la tête d’un corps de cinq mille hommes, cavaliers et fantassins, il venait au secours des généraux attaqués dans le Yng-Tchouen, et ce fut lui que rencontrèrent dans leur fuite les deux armées des rebelles ; il en fit un horrible carnage ; étendards, chevaux,

  1. Près de lui, Hiouan-Kong, roi de Tsy, et Wen-Kong, roi de Tsin, n’entendaient rien à soutenir le fardeau d’un État : Tchao-Kao et Wang-Mang étaient inhabiles à tracer un plan de conduite. Ce grand homme savait disposer une armée comme Sun-Tche et comme Ou-Tche, qui tous les deux ont écrit sur l’art de la guerre ; il connaissait par cœur les ouvrages de Lou-Tao et de Sun-Lio, sur le même sujet. Il était né à Tsiao-Kun, dans le Pei-[?]oue, et occupait le grade de commandant de cavalerie. Tsao-Tsan, son aïeul à la vingt-quatrième génération, avait été ministre de l’un des empereurs de la famille régnante. Son bisaïeul Tsao-Tsie (son nom honorifique Youen Hoei) était un homme plein d’humanité, d’une magnanimité sans bornes ; au point qu’un de ses voisins ayant perdu un animal de sa basse-cour, fit semblant de reconnaître chez lui la bête égarée, et vint la réclamer ; au lieu de se quereller avec ce malheureux, Tsao-Tsie la lui laissa emmener. Deux jours après, l’animal rentra de lui-même, et le voisin tout honteux ramena celui qu’il avait pris, en demandant pardon. Mais Tsao-Tsie, loin de se fâcher, le renvoya en souriant ; voilà un bel exemple de sa générosité.

    Tsao-Tsie eut quatre fils ; le dernier, appelé Tsao-Teng (son surnom Ky-Hing), fut, sous l’empereur Hiouan-Ty, intendant du palais, puis prince de Fey-Ting. Il adopta pour fils Tsao-Song, qui appartenait à la famille Hia-Heou, et cette adoption fut cause que ce dernier prit le nom de Tsao. C’était un homme loyal, intègre ; après avoir été inspecteur de la cour et des provinces, il fut sous Ling-Ty président de l’agriculture, puis enfin maître des cérémonies. Ce fils adoptif de Tsao Tsong fut le père de Tsao-Tsao, à qui l’on donna dans son enfance le surnom de Ho-Man, puis celui de Ky-Ly. Dans ses premières années, il aimait à lancer les faucons et à chasser avec les chiens ; il se plaisait aux chants et à la danse, comme aussi à jouer des instruments. Ingénieux, fertile en expédients, le jeune Tsao savait se plier aux circonstances ; il se conduisait entièrement d’après son caprice, et son oncle se plaignit de ces précoces dérèglements à son père. Le père fustigea sévèrement son fils, et celui-ci résolut de se venger. Un jour, voyant venir cet oncle, il se laissa tomber à terre, se décomposa le visage, et feignit d’avoir des convulsions. L’oncle accourut tout effaré, et l’enfant s’étant plaint d’avoir été pris d’un vertige, il en avertit le père. « Eh bien, mon enfant, dit celui-ci à Tsao-Tsao, qui s’était