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Kouan-Yu était né fort loin de là, à Kiay-Léang, à l’est du fleuve Jaune ; mais comme il avait tué dans son pays un homme violent qui tyrannisait ses voisins, il se trouvait réduit à mener depuis cinq ou six ans une vie errante. Ce jour-là, ayant eu connaissance de l’avis qui appelait aux armes les hommes de bonne volonté, pour détruire les Bonnets-Jaunes, il voulait y répondre.

Hiuen-Té se hâta de lui découvrir ses propres desseins ; et tous les trois, pleins de joie, ils allèrent de compagnie à la ferme de Tchang-Fey. Là, ils causèrent des affaires de l’Empire. Les deux nouveaux venus saluèrent Hiuen-Té du titre de frère aîné (ils étaient plus jeunes que lui), puis Fey fit cette proposition : « Derrière ma ferme il y a un petit jardin de pêchers, les fleurs sont épanouies ; allons-y demain immoler au ciel un cheval blanc, à la terre un bœuf noir, et jurons de rester comme trois frères, unis à la vie et à la mort ! Qu’en dites-vous ? »

Ce projet plut beaucoup aux trois nouveaux amis ; le sacrifice fut offert ainsi qu’ils en étaient convenus ; ils partagèrent des monnaies d’or et d’argent, immolèrent un bœuf noir et un cheval blanc, déposèrent les morceaux des victimes sur la terre ; puis, après avoir brûlé des parfums et s’être prosternés deux fois, ils firent le serment d’être frères, de se soutenir mutuellement, de se secourir dans le péril, de défendre l’empire et de protéger le peuple : quoiqu’ils ne fussent nés ni la même année ni le même jour, ni à la même heure, ils devaient mourir au même instant. Le ciel, roi des immortels, la terre, reine des esprits, avaient lu dans leurs cœurs ; celui qui trahirait son serment et la bonne cause s’engageait à périr sous les coups de la vengeance divine et humaine.

Après ce serment Hiuen-Té fut salué l’aîné, Kouan-Yu et Tchang-Fey, selon leur âge, devenaient l’un le cadet, l’autre le plus jeune des trois frères. Ces cérémonies et ces politesses achevées, ils allèrent ensemble (fidèles au respect que l’on doit à la vieillesse) faire une visite à la mère de Hiuen-Té.

Cependant trois cents jeunes gens de la contrée s’étaient joints à eux ; ils reçurent dans ce même jardin des pêchers une