Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 1, Duprat, 1845.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’époque où nous le voyons paraître, il avait vingt-huit ans. Cette proclamation, il la lut, soupira, et prit la route de sa maison ; mais derrière lui il entendit une voix qui disait : « Ô jeune homme ! si vous ne voulez pas employer vos forces au salut de l’Empire, pourquoi soupirer ainsi ! » Hiuen-Té se détourne, regarde, et voit un homme athlétique aussi, terrible dans tous ses traits, si extraordinaire qu’il le suivit. Cet inconnu avait la tête du léopard, les yeux ronds, le front de l’hirondelle, la barbe du tigre, la force du cheval lancé au galop ; il rentre avec lui dans le village, et il sait bientôt que son nom est Tchang-Fey, son surnom Y-Té ; ancien habitant du pays, cultivateur, marchand de vin et boucher, il aimait à se lier avec les gens robustes comme lui.

« Pourquoi soupiriez-vous devant cette pancarte ? demanda-t-il à Hiuen-Té. — Hélas ! répondit celui-ci, je descends de la famille impériale (et il déclina ses noms) ; j’apprends la révolte des Bonnets-Jaunes, leurs brigandages ; les balayer de la surface de la terre serait mon plus grand désir ; je raffermirais ainsi la dynastie chancelante ; mais, seul, que puis-je faire ? rien, et je soupire. — Unissons-nous, dit le paysan ; j’ai mes garçons de ferme, et avec eux nous pouvons faire quelque chose ; qu’en dites-vous ? »

Enchanté de l’idée, Hiuen-Té était entré dans une taverne avec son nouvel ami, lorsqu’il aperçut à la porte un homme de haute taille qui descendait d’un petit chariot : « Garçon, dit l’étranger en s’asseyant sur un banc de bois de mûrier, vite à boire, je vais aller me joindre aux troupes du district, et je n’ai que le temps. »

Hiuen-Té regardait cet homme fort grand, remarquable par sa barbe longue de près de deux pieds, par son visage rouge comme le bois du jujubier, par ses lèvres colorées comme le vermillon, par ses yeux semblables à ceux du phénix, par ses sourcils pareils à ceux du ver à soie endormi. Sa physionomie était extraordinaire, son aspect terrible. Il s’assied à ses côtés et apprend de lui que son nom est Kouan-Yu, son surnom Tchang-Seng, mais il l’avait changé en celui de Yun-Tchang.