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de Tcho-Hien), cette proclamation en fit sortir un homme héroïque, Liéou-Pey (surnommé Hiuen-Té). Fort peu épris de l’étude des livres, mais passionné pour la chasse et les exercices du cheval ; plein de goût pour la musique ; aimant les beaux vêtements, parlant peu, poli envers tout le monde, ne manifestant jamais ni folle joie ni noir chagrin, recherchant l’affection des gens de bien, doué d’une haute portée d’esprit, Liéou-Pey joignait à ces qualités morales une stature gigantesque, des proportions athlétiques, un extérieur singulièrement remarquable. Il était arrière-petit-fils, à la neuvième génération, de l’empereur King-Ty, de la dynastie régnante. Ayant perdu fort jeune son père qui occupait une petite magistrature, sa mère lui restait, à laquelle il témoignait le respect filial prescrit par la loi ancienne. Désormais pauvre, Hiuen-Té gagnait sa vie à vendre des souliers, à confectionner des nattes[1].

Nous omettrons divers pronostics qui, dès son enfance, firent pressentir en lui un homme appelé à de hautes destinées. À

  1. Il avait sept pieds cinq pouces de hauteur, les oreilles pendantes jusque sur les épaules, les bras si longs qu’ils dépassaient le genou ; ses yeux s’ouvraient Jusqu’aux oreilles ; son visage brillait comme le bouton de jade sur le bonnet de mandarin ; on eût dit qu’il avait du vermillon sur les lèvres. Ce personnage remarquable descendait, à la neuvième génération, de l’empereur King-Ty des Han, et il remontait par ses aïeux jusqu’à Liéou-Cheng et à Tsing-Wang du Tchong-Chan. La sixième année de la période Youen-Tsou (117 avant J.-C.), de Wou-Ty des Han, Liéou-Tching, fils de Liéou-Ching, avait reçu le titre de prince de Lo-Ting, dans la province de Tcho-Tchéou ; mais il en fut dépossédé pour avoir manqué de fournir l’argent qui servait à acheter le vin que son rang l’obligeait de donner dans la cérémonie du sacrifice au temple des aïeux. Son grand-père se nommait Liéou-Hiong, et son père Liéou-Hong. La droiture et la piété filiale de ce dernier lui avaient valu le titre de greffier de Tcho-Tchéou ; mais Hiuen-Té l’ayant perdu à l’âge de dix ans, servait sa mère avec une vertueuse tendresse. La pauvreté l’avait réduit à tendre des souliers et à faire des nattes pour vivre. À l’angle oriental de sa maison, s’élevait un beau mûrier, haut de cinquante pieds, dont les branches s’étendaient gracieusement par étages, comme le dessus d’un char. Les passants prétendaient que cet arbre était surnaturel.

    Un certain physionomiste, appelé Ly-Teng, avait dit : « Certes, il sortira de cette maison un homme illustre. » Hiuen-Té, tout jeune encore, jouant un jour avec les enfants du village, sous cet arbre, se prit à dire : « Si j’étais empereur, je monterais sur un beau char pareil à ceci, bien orné de couleurs variées. — Point de ces imprudentes paroles, lui dit son oncle en le grondant ; elles pourraient coûter la vie à toute notre famille. »

    À l’âge de quinze ans, sa mère l’envoya à l’école pour étudier ; il avait pour compagnons et amis son parent Liéou-Té-Jen et Kong-Sun-Tsan, de Leao-Sy. Son oncle Liéou-Youen-Ky le voyant si pauvre, venait toujours à son secours, et sa femme lui reprochant cette générosité, il lui répondit : « Dans notre famille, il n’y a que cet enfant, et cet enfant ne sera point un homme ordinaire. »