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dernière que nous nous sommes attaché ; l’exemplaire, légèrement fatigué, prouve que bien des savants y ont lu ce mémorable ouvrage avant qu’il tombât entre les mains inhabiles qui essaient aujourd’hui de le façonner au gré du lecteur européen. De plus, la traduction tartare présente un si grand secours, qu’il n’y avait pas à hésiter un instant entre les deux éditions ; et, à ce propos, citons le passage qui se trouve dans la préface jointe à l’Art militaire des Chinois, sous le titre de discours du traducteur[1] : « On a un grand avantage lorsqu’on possède les deux langues, je veux dire la langue chinoise et celle des Tartares-Mandchoux. Lorsqu’on ne comprend pas le chinois, on a recours au tartare, et lorsqu’on est embarrassé de retrouver le vrai sens dans le tartare, on ouvre le livre chinois, ou, si l’on veut mieux faire, on les a continuellement l’un et l’autre sous les yeux… »

Cette phrase un peu naïve peut être commentée ainsi : la version tartare ne doit jamais avoir le pas sur la version chinoise, qui est originale ; on la consulte dans les passages difficiles, surtout dans le style ancien, avec beaucoup de profit. Puis, lorsque, embarrassé par la syntaxe un peu trop simple du mandchou, on a saisi les mots sans pouvoir se rendre compte du sens, on retourne au chinois ordinairement plus logique dans la construction de ses courtes périodes, et enfin, les deux textes sous les yeux, à force de comparer l’image de celui-ci avec la lettre de celui-là, on déchiffre. « La langue tartare, beaucoup plus claire, sans comparaison, dit le même traducteur, méthodique comme nos langues d’Eu-

  1. Vol VII, p. 9 des Mémoires sur les Chinois.