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tion la fiction poétique. Le thème, ainsi posé, a produit un ouvrage qui n’est ni le roman de chevalerie du moyen âge en Europe, ni le roman historique de nos jours, ni la chronique sérieuse, telle que l’entendaient les Romains, mais qui résume assez bien les éléments principaux de ces genres divers. Sans jamais tomber comme Ctésias dans la fable ignorante, l’auteur ne s’abstient pas de donner dans le merveilleux, dans les présages à la manière d’Hérodote. Les discours, les tirades oratoires, à la façon de Tite-Live, abondent dans le San-Koué-Tchy et lui impriment ce caractère de vérité, d’authenticité qui séduit chez les grands historiens.

Les intrigues du palais s’y déroulent surtout sous un aspect dramatique, saisissant. On voit le sanctuaire de cette monarchie absolue, enveloppée dans un labyrinthe ténébreux où les pouvoirs se tendent des piéges, où les empereurs peuvent s’anéantir, s’effacer sans que la nation soit jamais initiée à ces redoutables mystères. D’un autre côté, le peuple, séparé de son maître par un intervalle immense, se montre encore comme le réceptacle dans lequel se conservent les traditions de la fidélité, de la loyauté et de la vertu, inaltérées par les nécessités de la politique. Mieux que les grands, toujours prêts à arracher quelque lambeau de ce territoire trop étendu, le peuple respecte l’unité dans l’empire, et se rallie d’instinct à la cause dynastique. Enfin, la classe pauvre est réhabilitée et mise en honneur, ainsi que le principe d’hérédité, dans la personne du principal héros, Liéou-Pey qui, parent de la famille impériale, gagne sa vie à faire des nattes et que les sympathies populaires appellent, en toute occasion, au trône de ses aïeux.