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les règles du rhythme, les lois de la grammaire, les dogmes d’une philosophie tour à tour subtile et extravagante. Mais comme au fond de la société la plus policée, la plus circonscrite, la plus gênée dans ses mouvements naturels par les exigences de l’étiquette et du cérémonial, il y a toujours le peuple qui suit plus librement ses instincts, de même dans l’esprit le plus cultivé, le plus transformé par l’éducation classique, il reste encore, s’il est de bonne trempe, cette corde intime de l’imagination, qui sait vibrer en son temps. C’est la source cachée au flanc du roc qui s’échappe tout à coup et ranime la plaine par une fraîcheur inattendue.

Cette veine féconde ne fait point défaut dans le San-Koué-Tchy ; un travail d’aussi longue haleine exigeait des repos ; il fallait que l’auteur sût

Passer du grave au doux, du plaisant au sévère ;


l’écrivain chinois n’a pas méconnu cette loi d’une poétique qu’il ignorait. Il s’agissait de dérouler sans confusion les scènes multipliées d’un drame qui dura un siècle et eut pour théâtre le plus vaste empire de l’Orient ; de faire vivre une quantité effrayante de personnages historiques qui devaient conserver le caractère reçu de personnages fictifs qui, bien que secondaires, devaient, sans nuire à l’action, soutenir l’édifice du roman, en remplir les vides, graviter, à l’état de satellites, autour des principaux rôles. Les pièces capitales de la machine épique étant données, il restait à les faire mouvoir au moyen de rouages artistement combinés. L’auteur avait à fondre l’histoire dans le roman, à puiser dans les annales la réalité, dans son imagina-