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plaudissant aux actions surhumaines des guerriers leurs fils ; poésie au vol audacieux qui, pareille à l’aigle s’élançant par-delà les cimes les plus élevées, voit la terre à ses pieds comme un point dans l’espace. De là aussi, dans une contrée où la civilisation revêt une forme plus matérielle et plus régulière, ces chroniques, patientes dans leurs détails, morales dans leurs tendances, exactes dans les dates, précises dans les faits, qui ont pour but d’engager l’homme à rectifier ses penchants, à prendre ses modèles sur la terre, parmi les anciens sages, afin de vivre sans terreur d’un avenir inconnu, et de mourir sans remords du passé. Entre ces deux genres de littérature, il y a toute la différence qui sépare le langage du prêtre de celui du philosophe ; le brahmane et le lettré représentent, par leurs écrits, les deux sociétés dont ils sont la personnification.

Cependant, s’il manque d’ordinaire à l’écrivain chinois l’inspiration fougueuse, violente comme la tempête, terrible comme la foudre, solennelle et calme comme la forêt endormie, comme la mer apaisée, s’il lui manque l’anathème et la bénédiction, ces deux grands ressorts de la poésie indienne, on ne peut lui refuser, dans une certaine mesure, des qualités éminentes, bien que d’un autre ordre ; à savoir : un goût littéraire (qui n’est pas le nôtre), une faculté de critique et d’observation qui convient au roman, un talent d’analyse, souvent poussé à l’extrême, qui excelle à peindre le cœur humain sous ses aspects changeants, l’oiseau dans son vol fugitif, la fleur dans son éclat d’un jour. Par le seul fait de son éducation, l’habitant du céleste Empire est plus imitateur qu’inventif, plus peintre que