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ci, dans sa naïve et primitive poésie, toujours simple, souvent mélancolique, ne jette point aux populations émues, comme une nourriture spirituelle, des mythes obscurs pour la foule, transparents aux yeux des seuls initiés. L’ère hiératique manque donc à la Chine, à moins qu’elle n’ait entièrement disparu, sans laisser de traces, devant la froide raison de Confucius.

La seconde époque de l’empire chinois fut une suite de la première ; la langue, plus formée, produisit des monuments durables, sur lesquels devait s’appuyer dans l’avenir la société plus solidement constituée. Dans l’Inde, aux hymnes, au rituel, au code de Manou, plus religieux encore que civil, succédèrent les poèmes épiques, les chants qui saluaient l’avénement d’une dynastie ; mais l’histoire de cette dynastie elle-même disparaissait derrière l’idée, sous le développement du principe qui l’avait fait triompher. Les Brahmanes, pour qui la durée du monde ne représente qu’un âge, divisent les temps par phases héroïques ; ils voient la divinité parcourir successivement le cercle de ses incarnations, comme nous suivons la marche du soleil à travers les lignes célestes qui marquent les saisons. Les lettrés, au contraire, faisant du maître du ciel une abstraction, un être suprême, un roi absolu, mais inerte, dont l’empereur est l’image agissante, le laissent trôner dans les régions supérieures, pour ne s’occuper que du monarque à qui il a légué ses pouvoirs sur la terre. De là, aux bords du Gange et de la Jamouna, ces splendides épopées, où la poésie, descendue d’en haut, montre sans cesse les dieux assis sur des trônes étincelants, faisant pleuvoir sur les héros des pluies de fleurs divines, ap-