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diamants, la fantaisie chez l’écrivain chinois n’a point le vol plein et libre dans les hautes et lointaines régions.

Cet inconvénient, ou, si l’on veut, ce caractère spécial de la poésie en Chine, a pour cause le mécanisme même de la langue. C’est déjà une merveille que cet idiome, idéographique à son origine, borné d’abord à un petit nombre de radicaux représenté par des clefs, ait pu se développer, s’assouplir au point de faire face à toutes les exigences de la pensée si changeante et si multiple. Cette langue écrite a dû, plus qu’aucune autre, grandir lentement, avec précaution, n’admettre le néologisme qu’après mûr examen ; quand la parole avait revêtu une pensée remarquable, lui avait donné un corps, l’avait fait vivre, cette pensée traversait les siècles et se transmettait d’âge en âge, empreinte du sceau vénéré de l’antiquité. Qui donc eût osé manquer de respect à cette autre forme de la tradition ?

De là vient que les ouvrages les plus distingués de la littérature chinoise ont deux aspects, l’un qui nous repousse, l’autre qui nous attire. De même que pour pénétrer dans le céleste Empire, il faut se faire Chinois par le costume et la manière de vivre, ainsi, pour lire avec quelque agrément le San-Koué-Tchy ou tout autre livre, histoire ou roman, il faut s’initier à la connaissance des annales de ce pays traditionnel et se résoudre à subir les notes explicatives. Une fois ce sacrifice accompli, on n’étudiera pas sans intérêt, dans sa vie publique et intime, un peuple qui s’est développé plus qu’aucun autre en Orient, d’une façon analogue aux nations européennes. Relégué aux extrémités du monde, ferme dans sa marche, que n’interrompit ni la conquête pacifique de l’Évangile,