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premiers chapitres ; on les rencontre sans cesse employant leur pouvoir surnaturel à faire tomber la pluie, à faire souffler le vent. Les éléments leur sont soumis en toute occasion. Les âmes des morts, bienheureuses ou souffrantes, apparaissent à leurs amis qu’elles protègent, à leurs ennemis qu’elles épouvantent. Sous ses diverses formes matérialisées, on retrouve la redoutable et sainte allégorie de la conscience qui tourmente le coupable et le condamne à périr par les remords. Soit qu’il se laisse entraîner par l’amour du merveilleux, soit qu’il accepte sans y croire et seulement comme moyen poétique, cette intervention des puissances surnaturelles, l’écrivain chinois tient peu à se montrer orthodoxe. Dans la chronique sérieuse, l’imagination se fait jour à chaque instant. En un coin du tableau apparaît, comme sur les habits de l’empereur, le dragon fantastique, la chimère, ou plutôt le symbole.

C’est là la poésie des Chinois ; poésie souvent compassée, traditionnelle, qui a bien ses échappées sur les lacs et les montagnes, sur les champs et la vie domestique, mais dont le mérite principal consiste à rendre par des expressions consacrées, les sentiments reçus, les vérités admises dans les écoles. En maniant le pinceau, l’écrivain, le poète ne perd pas de vue les lettrés qui savent par cœur les livres classiques, et il doit leur donner la satisfaction de rencontrer, dans le cours d’un roman, d’un drame, d’une nouvelle, dans la strophe d’une élégie, d’une chanson légère, la phrase figurée, l’image choisie, l’allusion historique qui leur a valu le prix aux examens de l’académie. Pareil au captif que la Péri d’Orient retient dans ses parterres de fleurs faites de perles et de