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dit l’écrivain chinois à l’occasion des artifices et des ruses. » Rien ne peint mieux le caractère d’un peuple que les ressources auxquelles il a recours pour triompher de ses ennemis. Nous verrons par la suite les héros du San-Koué-Tchy mettre en action tous les préceptes d’une politique et d’une tactique aussi astucieuses que misérables. Mieux que les Grecs anciens et aussi bien que les Perses, ils emploient les fausses lettres, les faux avis donnés à l’ennemi ; ils sèment la division dans le camp opposé ; on trouve parmi eux plus d’un Zopyre qui consent à se faire mutiler afin d’être mieux pris pour un transfuge. Par la manière dont ces ruses sont présentées ici, on voit qu’elles forment un véritable code à l’usage des conseillers militaires et des généraux.


Il est à remarquer que tous les chefs de parti, dans ce roman, ont un ou plusieurs conseillers qui les dirigent et leur impriment le mouvement ; Liéou-Hiuen-Té seul se conduit par lui-même. Supérieur aux hommes qui l’entourent, aux guerriers énergiques dont il tempère à chaque instant la fougue et la violence, on le voit s’élever au-dessus de tous les personnages que l’écrivain met en scène alternativement. Ses qualités, on peut dire ses vertus, semblent appartenir à un ordre d’idées et de croyances tout à fait à part ; c’est en quelque sorte un héros chrétien du moyen âge.


Mot à mot : « Il faut rappeler Hiuen-Té à Siao-Pey et y faire repousser nos ailes, attendre que les plumes nous soient revenues. » Le mot chinois Yu-Y, ailes, signifie par figure partisans ; ce qui fait la force d’un chef de parti.


Si on veut remonter au chapitre I du livre II, page 99, et comparer le caractère de Sun-Kien avec celui de Sun-Ssé, son fils, on sera frappé de la ressemblance qui existe entre ces deux personnages. Sun-Kien, rempli d’ambition, se sépare de la ligue, rêve la fondation d’un royaume indépendant, et meurt victime de sa témérité ; Sun-Tsé reprend les desseins de son père, expose sa vie avec la même imprudence, triomphe de tous les obstacles, et finit par rétablir l’ancien état de Ou.