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des hommes harassés et des chevaux hors d’haleine, serait pris infailliblement.

Or, parmi les gens appelés dans la ville par cet officier réduit aux abois, il y avait un très-grand nombre de montagnards. Épouvantés à l’approche du vainqueur, ils s’étaient jetés tout tremblants entre ces murs que Sun-Tsé bloquait par trois côtés. Dès que le siège commença, Tay-Ssé, en se retirant, fit pleuvoir des flèches sur ceux qui le tenaient assiégé ; mais cette même nuit, Tchin-Wou, armé à la légère, escalada les murs et mit le feu à la ville. Tay-Ssé n’eut plus qu’à se sauver au galop par la porte de l’est, restée ouverte, avec toute son armée. Sun-Tsé se lança à sa poursuite et le harcela pendant trois milles sans pouvoir l’atteindre ; lui, il courut l’espace de deux milles encore, mais le cavalier et le cheval ne purent aller au delà.

Dans ce pressant péril, Tay-Ssé entend des cris et il fuit de nouveau ; des deux côtés des soldats font tomber son cheval avec des cordes, le prennent vivant lui-même et le conduisent vers Sun-Tsé qui, instruit de cette importante capture, sort de sa tente. Aussitôt il crie à ses gens de se retirer, détache de ses mains les liens du prisonnier, le revêt de sa propre tunique brodée et l’introduit au milieu de son camp.

« Le général vaincu attend la mort, dit Tay-Ssé. — Je sais que vous êtes un héros plein de droiture et de loyauté, répondit Sun ; votre ancien chef est un étourdi qui n’a pas su tirer parti de vous en vous mettant à la tête de toutes ses troupes, et il a été battu. » Alors Tay-Ssé se voyant traité en frère aîné, avec égard et respect, demanda à servir sous le vainqueur. Celui-ci lui prit la main et dit : « L’autre jour, sur le mont Chen-Ting, si je fusse tombé en votre pouvoir, m’eussiez-vous fait périr ?

« Non, assurément. — Eh bien ! ajouta-t-il avec un sourire, dans la circonstance présente, je dois vous traiter comme vous eussiez fait vous-même ! » Et l’ayant prié de s’asseoir sous sa tente à la place d’honneur, il lui fit servir un excellent repas.

« Maintenant que nous sommes amis, reprit Sun-Tsé, consolez-vous du malheur de cette journée, et dites-moi, je vous prie, par quels moyens je puis arriver à fonder un royaume indé-