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tent ; cinquante fois les deux champions s’attaquent sans pouvoir se vaincre. Tching-Pou et les autres généraux s’émerveillent de la bravoure du chef ennemi et l’applaudissent intérieurement.

Le combat durait toujours ; voyant que Sun ne se lasse point de manœuvrer sa lance, Tay-Ssé a recours à la ruse ; il feint de prendre la fuite et gagne le cœur de la montagne, puis tout à coup tourne bride ; Sun le poursuit, et Tay-Ssé triomphe du succès de son stratagème. Au lieu de suivre la route par laquelle il est venu, il fait le tour derrière la montagne. À peine Sun-Tsé s’est-il jeté sur ses traces qu’il lui crie : « Si tu es vraiment un héros, battons-nous à outrance. — Tu as fui, répliqua Sun, ce n’est pas là se conduire en brave. » Et trente fois ils se choquent de nouveau.

« Il a treize hommes avec lui, se dit enfin Tay-Ssé, et je suis seul. Si je le prends vivant, ils me l’arracheront d’entre les mains. Essayons une nouvelle ruse pour l’entraîner loin de son escorte et le tuer à mon aise. » Et il s’enfuit encore en criant : « Sun, ne me poursuis pas ! — Et toi, ne t’esquive pas ainsi, répond Sun-Tsé, viens me trouver en rase campagne. »

Tay-Ssé a fait volte face ; le combat recommence avec la même fureur. À chaque coup de lance que lui porte son adversaire, chacun d’eux se dérobe habilement. L’un après l’autre, ils saisissent par le fer la pique dont ils ont paré la pointe, et tous les deux ils se battent avec tant de force que, dans une de ces attaques, ils tombent de dessus leur selle, et leurs chevaux effrayés galopent à travers la plaine. Démontés tous les deux, ils quittent la lance et se battent corps à corps.

Tay-Ssé avait trente ans et Sun-Tsé atteignait sa vingt-unième année ; dans cette lutte, ils se saisissent si fortement que leur tunique est en lambeaux. D’une main rapide, celui-ci arrache la pique suspendue aux épaules de son adversaire, celui-là enlève le casque dont son ennemi se couvre la tête ; au moment où Sun-Tsé va percer Tay-Ssé, celui-ci se fait un bouclier du casque enlevé au héros. Mais tout à coup des cris retentissent derrière les deux champions. Ce sont les troupes de Liéou-Yao qui arrivent au secours de Tay-Ssé, et soutenu par