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Du camp de Liéou-Pey, rêvant toujours le rétablissement de la dynastie opprimée, l’écrivain passe à la cour des Han, ou règne le ministre Tsao, puis sous les tentes de cet usurpateur triomphant ; il nous montre le fier personnage qui tient entre ses mains les destinées de l’Empire et la personne de l’empereur, célébrant ses victoires et sa puissance par des joutes et des festins.

« Mille arbalétriers se tenaient debout sur le front du grand navire qui portait le premier ministre ; le ciel était pur et les flots tranquilles ; la brise soufflait mollement. Tsao passa tout le jour à boire au son des instruments au milieu de son armée ; au soir, les montagnes, du côté de l’orient, étincelaient sous les rayons de la lune ; le beau fleuve Kiang se déployait comme un immense ruban de soie ; tous les serviteurs du ministre portaient des tuniques brodées et brochées d’or… » Au milieu de cette orgie royale, Tsao se lève et raconte ses exploits passés, en faisant briller aux yeux des capitaines qui l’entourent un riant avenir. Tout à coup, des corbeaux jettent dans les airs leurs cris funèbres… Les convives s’effraient à ce présage ; mais l’éclat des torches a trompé ces oiseaux, s’écrie un courtisan, ils ont cru voir se lever l’aurore !… À ces mots, la joie renaît dans les cœurs, la coupe circule de main en main ; Tsao-Tsao chante des vers que ses généraux répètent à l’envi. Ce banquet oriental se termine, comme celui d’Alexandre, par le meurtre d’un des plus illustres convives, que le ministre tue de son propre glaive, parce qu’il a blâmé ces démonstrations extravagantes. Une sanglante défaite vengera le mandarin injustement égorgé ; privé de ses flottes que vingt brûlots ont incendiées, battu sur terre, Tsao se rappellera les cris des corneilles, en fuyant comme un