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trevue, Kao vint rendre compte à Liu-Pou de ce qui s’était passé, et au même instant on apporta une note de Youen-Chu ainsi conçue : « Hiuen-Té n’est pas soumis encore, laissez-moi en finir avec lui, et ensuite nous réglerons notre affaire. »

« Il manque à sa parole, s’écria Liu-Pou fort en colère ; je veux marcher contre lui et le châtier. » Mais Tchin-Kong lui conseilla prudemment de ne pas risquer une guerre contre Youen-Chu, maître de la province de Chéou-Tchun, abondamment pourvu de provisions, chef d’une belle armée. « Vous ne gagneriez rien contre lui, ajouta-t-il ; le mieux, c’est de rappeler Hiuen-Té à Siao-Pey, d’attendre que vos forces soient en proportion avec cette grande entreprise ; mettez votre allié à l’avant-garde, battez Youen-Chu tout d’abord, puis vous vous déferez de Youen-Chao, son frère, et l’Empire n’aura plus d’adversaire à vous opposer. » Liu-Pou suivit ce conseil.

Un courrier fut secrètement dépêché vers Hiuen-Té ; mais son camp venait d’être enlevé par Youen-Chu, dès l’arrivée de ses troupes à Kwang-Ling. Il revenait sur ses pas avec une armée à moitié détruite quand l’exprès de Liu-Pou le rencontra. Cet appel lui causa bien de la joie, et il rentra dans Su-Tchéou. « Liu-Pou n’a guère de générosité, disaient Kouan et Fey ; ne vous fiez pas à ses promesses. — Eh ! répondit Hiuen-Té, quand on m’accueille avec tant de bonté, quel soupçon puis-je avoir ? »

Il alla donc droit à Su-Tchéou, et Liu-Pou, doutant qu’il pût avoir tant de confiance, lui avait envoyé sa femme et ses enfants pour le mieux engager à rentrer. Il apprit de ses deux femmes (Kan et My) que sa maison avait été strictement gardée par ordre de Liu-Pou, qu’aucun homme n’y avait pénétré, enfin qu’elles y avaient été parfaitement traitées et abondamment pourvues des choses nécessaires.

« Vous le voyez, dit Hiuen-Té en se tournant vers ses deux amis, cet homme n’est rien moins qu’un méchant. » Et à peine de retour dans la ville, il alla remercier Liu-Pou ; malgré tout, Tchang-Fey nourrissait contre ce dernier une haine implacable ; il se retira aussitôt à Siao-Pey avec les femmes de son frère adoptif.