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II.[1]


Tchang-Fey, tout honteux, voulut se donner la mort, mais Hiuen-Té se jeta devant lui, le prit dans ses bras et lui arracha son glaive, en disant : « Vous connaissez l’ancien proverbe : les frères sont comme les mains et les pieds, les femmes et les enfants sont comme les vêtements ; on change ses vêtements quand le temps les a gâtés ; mais si on a perdu ses mains et ses pieds, comment les remplacera-t-on ? Unis tous les trois par un serment inviolable dans le jardin des Pêchers[2], nous avons juré de mourir ensemble, bien que nous ne soyons pas nés le même jour. Ce n’est ni la perte de ma ville ni la captivité de ma famille qui me fera oublier le lien qui doit unir des frères. Liu-Pou a enlevé mes femmes et mes enfants, mais il ne les fera pas périr ; il nous laissera le moyen de les lui arracher. »

Et dans tout ce camp profondément affligé on délibéra de nouveau sur la campagne entreprise contre Ky-Ling.

Déjà Youen-Chu, averti que Liu-Pou venait d’entrer dans la ville de Su-Tchéou par surprise, lui fit promettre cinq cent mille boisseaux de grains, cinq cents chevaux, dix mille pièces d’or et d’argent et mille pièces d’étoffes brochées s’il voulait attaquer Hiuen-Té de son côté. Enchanté de ces offres, Liu-Pou mit sous les ordres de son lieutenant Kao-Chun cinquante mille hommes, en lui recommandant d’attaquer Hiuen à revers. Mais son plan fut déjoué ; Hiuen-Té, instruit de cette trahison, profita d’une pluie assez abondante pour dérober sa fuite et se retirer à Kwang-Ling, vers l’est.

Cependant Kao-Chun alla saluer Ky-Ling et lui annoncer qu’il venait de la part de Liu-Pou, prince de Ouan, se joindre à son armée, et demander ce qui avait été promis. Mais il reçut pour toute réponse l’invitation de se retirer à Hia-Pey jusqu’à ce que Ling en personne allât voir son chef. Après cette en-

  1. Vol. I, liv. III, ch. IX, p. 157 du texte chinois.
  2. Voir liv. I, p. 11.