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— Au moins par égards pour mon gendre, épargnez-moi ce cruel châtiment, reprit le vieux Pao. — Et qui est ton gendre ? demanda Fey.

— Liu-Pou, répondit le vieillard. — Je t’aurais fait grâce, s’écria Fey hors de lui ; mais, puisque tu me parles de Liu-Pou comme pour m’intimider, je vais te faire battre ; ce sera comme si je châtiais le général lui-même. »

Sourd aux instances des convives, Fey fit saisir le vieux Pao et lui appliqua cinquante coups de bâton. Les assistants, ayant obtenu à force de prières que le châtiment s’arrêtât là, se dispersèrent hors de la salle du banquet.

On conçoit quelle haine profonde Pao voua à cet homme violent ; ce fut comme une maladie qui le pénétrait jusqu’à la moelle des os. Dans la nuit il envoya dire à Liu-Pou qu’il ferait bien de profiter de l’absence de Hiuen-Té et de l’ivresse de Tchang-Fey pour s’emparer de Su-Tchéou ; occasion excellente qu’il se repentirait d’avoir laissé échapper.

Liu-Pou était alors à Siao-Pey ; Tchin-Kong, immédiatement consulté par lui, fut d’avis qu’il fallait s’emparer du chef-lieu. « Dans une petite place comme Siao-Pey, quand pourrez-vous jamais vous élever ? ajoutait-il ; marchez, ou je me retire. »

Aussitôt, prenant sa cuirasse, sa lance redoutée, son cheval incomparable, Liu-Pou se met en route avec cinq cents cavaliers. Derrière lui venaient Tchin-Kong et le gros de l’armée, puis l’arrière-garde commandée par Kao-Chun. Liu-Pou, ne se trouvant plus qu’à quatre ou cinq milles de Su-Tchéou, s’avança à cheval jusqu’au pied des remparts. Il était minuit, la lune brillait à plein horizon, personne ne paraissait sur les murailles. Se glissant auprès de l’une des portes, Liu-Pou dit : « Je suis un envoyé de Hiuen-Té, j’apporte un ordre de sa main. »

Un soldat de Pao qui se trouvait en faction sur les remparts courut l’avertir ; celui-ci monta pour reconnaître son gendre et lui fit ouvrir la porte.

Les troupes de Liu-Pou pénètrent dans la ville, de grands cris s’élèvent ; complètement ivre, Fey dormait dans le palais. Ses serviteurs s’empressaient de le secouer pour le tirer de son assou-