l’ennemi, n’osant plus prendre l’offensive, garde l’embouchure du fleuve Hoay-Yn, vers laquelle il a été contraint de se replier. Pour se venger, il envoya ses soldats attaquer les retranchements ennemis ; mais les gens de Su-Tchéou les repoussèrent victorieusement. Après ces divers engagements de part et d’autre, on s’observa sans risquer de combat décisif.
Revenons à Tchang-Fey ; depuis le départ de Hiuen-Té, il avait remis à Tchin-Long tout le soin des affaires civiles, et réglait lui-même toutes celles qui se rapportaient aux troupes. Pour mieux entretenir l’amitié, la bonne intelligence entre les principaux personnages de la ville, il invita tous les mandarins à un banquet, et leur dit : « Mon frère aîné m’a recommandé à son départ d’être sobre, et de ne pas négliger le service qu’il m’a confié. Aujourd’hui, voici que j’ai rassemblé tous mes collègues à ce banquet. À partir de demain, je m’abstiens de goûter du vin ; donc aujourd’hui buvons à plein verre ; en toute occasion je compte sur votre appui pour m’aider à protéger les remparts de la ville. » Et il se leva, une coupe pleine à la main.
Un ancien employé du gouverneur défunt (Tao-Kien), nommé Tsao-Pao, voyant passer la coupe devant lui, répondit que, par répugnance pour les liqueurs enivrantes, il ne buvait jamais de vin. « Un soldat doit boire, s’écria Tchang-Fey ; voyons, videz cette coupe, cette seule coupe que je vous offre. » Et l’officier, n’osant refuser cette invitation, avala le vin.
Toute l’assemblée à la ronde fut obligée aussi de boire un grand coup ; une seconde fois Fey présenta la coupe pleine, et alors Pao refusa formellement de la porter à ses lèvres. « Quand j’ai versé, moi-même, s’écria Fey, tu ne veux pas vider la coupe. » Et Pao persista obstinément dans son refus.
Cette fois, transporté de colère, Tchang-Fey le traita de rebelle aux ordres de son chef, le menaça de le faire battre à outrance, et dit à ses soldats d’entraîner le mandarin récalcitrant.
« Fey, s’écria Tchin-Long, est-ce là ce que vous avait fait promettre Hiuen-Té à son départ ? — Vous, lettré, magistrat civil, répondit celui-ci, mêlez-vous des affaires qui sont de votre compétence, et laissez-moi tranquille.