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celui-ci lèverait des troupes pour résister à cette attaque inattendue. Une seconde missive enjoindrait à Hiuen-Té de détruire Youen-Chu, et pendant ce temps-là, Liu-Pou trahirait son allié en cherchant à profiter de sa ruine. Voilà comment on lancerait le tigre sur le loup pour qu’il le dévore ! »

Dès qu’il fut averti de l’arrivée d’un second envoyé de la cour, Hiuen-Té ne manqua pas d’aller à sa rencontre, et il le laissa retourner près de Tsao après lui avoir promis de se mettre en marche pour attaquer Youen-Chu.

Le conseiller My-Tcho devinait bien là-dessous quelque ruse, mais Hiuen-Té disait : « Quand ce serait un piége, il y a un ordre de Sa Majesté auquel je dois obéir, et je vais marcher. — Non sans avoir songé d’abord à la défense de la ville, interrompit Sun-Kien. » Et Hiuen-Té demanda lequel de ses deux frères d’adoption voudrait rester dans les murs pour les garder.

Kouan-Kong se proposa. « Non, reprit Hiuen-Té, car j’ai besoin de me consulter avec vous à chaque instant ; il vaut mieux ne pas nous séparer. — Eh bien ! moi. » dit Tchang-Fey. — Je doute que vous gardiez bien la ville, reprit Hiuen-Té ; après avoir bu, vous êtes emporté et violent, vous maltraitez les soldats ; et puis, habitué à ne vous inquiéter de rien, à trancher facilement les questions, vous n’aimez pas à suivre les conseils des autres ; comment serai-je tranquille ?

— Je promets de ne plus boire, de ne plus frapper les soldats et d’obéir aux avis des hommes sages, reprit Tchang-Fey. — Si vous le jurez, répondit Hiuen-Té, je n’ai plus rien à craindre.

— Pour moi, interrompit My-Tcho, j’ai peur que la bouche ne promette plus que le cœur ne peut tenir. — Quoi ! s’écria Fey s’oubliant déjà ; depuis que j’accompagne mon frère aîné, et il y a longtemps, ai-je jamais manqué à ma parole ? Oses-tu bien ainsi me mal juger par avance ? »

« Eh bien ! mon jeune frère, dit Hiuen-Té, si vous vous emportez de la sorte, puis-je être tranquille ! » Après avoir choisi Tchin-Youen[1] pour ordonnateur de son armée, il recommanda à

  1. Son petit nom Tseu-Long, il a figuré plus haut.