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prince par le milieu du corps avec le licou d’un cheval et le descendre ainsi dans un bateau, tel fut le moyen que proposa Yang-Fong ; le frère aîné de l’impératrice, Fo-Té, qui se trouvait dans la foule, avait sur lui quelques brasses de cordes, ramassées dans la déroute ; un des officiers, Shang-Hong, en fit un lien solide, avec lequel le prince et l’impératrice, bien attachés ensemble, furent descendus jusque dans le bateau.

Ly-Yo, le sabre à la main, se plaça à la proue, et le frère aîné de la princesse, soutenant avec précaution le précieux fardeau que l’on faisait glisser du haut du rivage, fit asseoir sa sœur près de lui. Ceux des mandarins qui n’avaient pas de place dans la nacelle s’accrochaient à l’envi aux deux bords ; mais Ly-Yo, craignant que l’esquif ne fût submergé, les força de lâcher prise ; ils tombèrent dans l’eau et traversèrent le fleuve à la nage. On fit un second voyage pour sauver les fuyards ; ceux qui restaient sur les bords ne cessaient de pousser des cris lamentables. On se disputait à qui s’embarquerait sur la nacelle, et combien de pauvres fugitifs, qui s’accrochaient à ses bords, eurent les doigts et les mains coupés !

Dès qu’ils furent arrivés sur la rive septentrionale du fleuve, Yang-Fong et les autres généraux trouvèrent un char et y firent monter l’empereur, qui, ce soir-là, arriva mourant de faim à Ta-Yang. Il dut passer la nuit dans une maison de briques. Un vieux habitant de la plaine apporta à Sa Majesté du riz si grossier qu’elle ne put le goûter. Le lendemain, Ly-Yo et Han-Sien furent nommés, le premier, général de l’armée du nord, le second, général de l’armée de l’est. L’empereur, après les avoir ainsi récompensés, continua sa route sur un char traîné par des bœufs. Les deux généraux accoururent auprès du prince pour lui exprimer leur reconnaissance ; le ministre d’État, Yang-Piéou, l’intendant du palais, Han-Yong, le prince et l’impératrice éclataient en sanglots. Dans cette petite cour, réduite à vingt personnes, il n’y en avait pas une qui ne versât des larmes.

« Hélas ! disait l’intendant du palais, Han-Yong, si les deux chefs rebelles voulaient m’écouter, j’irais, au risque de ma vie,