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arrivaient dans un village massacraient les vieillards et les enfants, et faisaient de force prendre les armes à la population valide. Au combat, ils plaçaient en avant ces troupes improvisées, qu’ils appelaient l’armée qui ose mourir (Kan-Ssê-Kiun) ; voilà comment ils avaient grossi leurs divisions.

Quand Kouo-Ssé entendit les cris tumultueux des soldats de Ly-Yo[1], arrivant sur le champ de bataille, il dit à ses officiers : « Semez sur la route les dépouilles des vaincus, habits précieux, or et argent. » Lorsque Ly-Yo s’approcha de Fey-Yang, ses troupes, habituées au pillage, se débandèrent pour ramasser ce riche butin. Kouo-Ssé les attaqua de tous côtés, et leur fit essuyer une déroute complète ; les cadavres des morts jonchaient la plaine, le sang coulait par torrents. Voyant qu’ils ne pouvaient rétablir le combat, Fong et Tching escortèrent l’empereur dans sa retraite vers les provinces du nord. Le souverain était poursuivi de si près par les rebelles, que Ly-Yo, ne conservant aucun espoir de le sauver, le pria de fuir à cheval devant eux. « Non, répondit le petit prince, comment pourrais-je abandonner mes mandarins ? »

Les rebelles, sans se ralentir, sans se disperser, continuaient leur poursuite. L’éclat des flammes ravageant la plaine illuminait tout le ciel ; Hou-Tsay (l’un des commandants des trois districts) périt de la main de ses soldats révoltés ; les cris des combattants ébranlaient la terre. Cette retraite avait duré l’espace de dix milles ; Fong et Tching, ne voyant aucun moyen de salut, engagèrent l’empereur à abandonner son char et à gravir à pied les bords du fleuve Jaune, tandis que les généraux fidèles, et Ly-Yo avec eux, cherchaient un petit bateau pour le faire passer sur la rive opposée.

Ce jour-là, il faisait très-froid ; le jeune souverain soutenait l’impératrice et l’aidait à marcher sur le rivage ; mais les bords du fleuve, trop escarpés, ne leur permettaient pas de descendre. Le ciel était froid, l’air glacial ; derrière eux s’élevaient les flammes et retentissaient les tambours des rebelles. Lier le

  1. Il ne faut pas confondre ce Ly-Yo, commandant de district, accouru au secours de l’empereur, avec Ly-Kio, l’un des deux chefs rebelles.