Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 1, Duprat, 1845.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux mandarins. Kouo-Ssé ouvrit les portes de son camp aux dignitaires et aux grands qu’il retenait comme otages ; Ly-Kio ne fit plus qu’escorter les chars de la cour sur la route de la capitale de l’est.

Quelques centaines de soldats armés de longues lances formaient le cortège impérial. La nuit on traversa Sin-Fong, et au soir on arriva près du pont de Pa-Ling. On était alors en pleine automne, il soufflait un vent froid. Au bruit des voix, les gardes du passage se présentent assez nombreux ; ils arrêtent la marche du prince et demandent qui est dans le char ? « L’empereur, » répond le conseiller du palais, Yang-Ky, en s’élançant au galop à la tête du pont ; qui êtes-vous pour manquer ainsi aux devoirs d’une respectueuse obéissance ? » Mais deux commandants du poste s’avancèrent à sa rencontre et dirent qu’étant chargés par Kouo-Ssé, leur général, de garder ce pont pour empêcher les rebelles de passer, ils devaient au moins s’assurer de la vérité de la réponse, car il était difficile de supposer que l’empereur fut là dans ce char.

À ces mots, Yang-Ky souleva l’écran de la portière, et Sa Majesté elle-même dit aux chefs du poste : « C’est moi, c’est l’empereur, officiers ; pourquoi ne vous retirez-vous pas ? » Toute la troupe, répondant par des cris de vive l’empereur, se mit sur deux rangs pour laisser défiler le cortège.

Quand les chefs de la garde du pont eurent averti Kouo-Ssé de la fuite du souverain, il leur fit des reproches de ce qu’ils n’avaient pas barré le chemin aux chars de la cour. Son désir était d’arrêter l’empereur, de le conduire de nouveau à Meï-Ou pour donner suite à ses projets. En vain essayaient-ils de se disculper, prétextant qu’ils ignoraient ses intentions. Kouo-Ssé répétait toujours : « Je voulais tromper Tchang-Tsy par cette ruse d’où dépendait tout le succès de mes desseins. Pourquoi l’avoir laissé passer ? » Aussitôt il fit décapiter les deux officiers et se jeta de nouveau sur les traces de l’empereur avec ses troupes.

Comme il arrivait dans la ville cantonale de Hoa-Yn, le prince entendit derrière lui les voix tumultueuses des soldats qui