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qu’il avait usurpé déjà, celui de commandant en chef de la cavalerie, et Ly-Kio, tout joyeux de ce nouvel honneur, pensa qu’il devait un pareil surcroît de fortune aux opérations magiques des sorcières ; il les combla de bienfaits au préjudice des officiers de l’armée. L’inspecteur de la cavalerie, Yang-Fong, ne put taire son mécontentement, et il dit à un autre officier du nom de Song-Kou : « Nous risquons bravement notre vie ; nous l’exposons chaque jour au milieu des pierres et des flèches, et voilà que des sorcières obtiennent plus de récompenses que nous ! »

« Pourquoi ne pas tuer ce brigand lui-même pour sauver l’empereur ? » répondit l’autre, et ils convinrent tous les deux qu’un feu allumé dans un lieu désigné serait le signal d’une attaque sur le camp de Ly-Kio ; Song-Kou ferait à l’intérieur des retranchements un mouvement auquel Yang-Fong répondrait du dehors. Cette nuit-là, donc, à la seconde veille, ils tentèrent l’entreprise ; mais, hélas ! ils n’avaient pas prévu qu’ils seraient trahis. Le soir même, Ly-Kio fit arrêter et décapiter immédiatement Fong-Kou. Son complice ne vit pas briller le feu attendu ; ce fut le général en chef lui-même qui vint à sa rencontre et l’attaqua au milieu du camp ; la bataille dura jusqu’à la quatrième veille. Song, ne pouvant vaincre, prit le parti de se retirer avec un groupe de soldats. Ly-Kio, cependant, voyait ses troupes s’affaiblir graduellement par les combats que Kouo-Ssé lui livrait chaque jour. Cette guerre faisait périr tant de monde, que les cadavres s’élevaient çà et là comme des montagnes.

À cette époque, Tchang-Tsy arriva du Chen-Sy à la tête d’une grande armée ; il annonça aux deux chefs rivaux que s’ils ne faisaient pas la paix, s’ils refusaient de lui obéir, il allait les écraser l’un après l’autre. Ly-Kio et Kouo-Ssé déposèrent donc les armes, et Tchang-Sy pria l’empereur de se laisser conduire à Hong-Nong. Tout joyeux de cet événement inattendu, le petit prince témoigna le bonheur que lui causait ce retour dans la capitale de l’est où il avait depuis si longtemps désiré de s’établir. Il nomma son libérateur commandant de la cavalerie irrégulière et trésorier. Aussitôt celui-ci envoya du vin et des vivres aux