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dit en s’interposant : « N’abusez pas de vos forces pour dépouiller votre hôte, et vous, seigneur Hiuen, calmez vos inquiétudes, je vous en prie ! » Mais Hiuen-Té lui fit signe de se taire ; il prépara un splendide festin pour honorer son hôte, qu’il logea dans son propre hôtel disposé à cet effet. Le lendemain, Liu-Pou invita le généreux gouverneur à un banquet pour lui rendre ses politesses ; mais Tchang-Fey et Kouan-Yun conseillaient à leur frère adoptif de n’y point aller. « Ce n’est pas d’aujourd’hui que Liu-Pou convoite cette principauté, lui dirent-ils ; prenez garde, restez. — Je traite de mon mieux les gens de cœur, répondit Hiuen-Té ; dois-je m’attendre à être récompensé de ma bienveillance par l’ingratitude ? non. » Et il se rendit au banquet avec ses deux amis.

Au milieu du festin, Liu-Pou pria son hôte de l’accompagner dans les appartements réservés, le fit asseoir sur un lit, et appela une jeune fille qui vint s’agenouiller humblement devant lui. Deux fois Hiuen-Té s’inclina tout confus, et Liu-Pou le relevant lui dit : « Mon sage frère cadet, c’est un présent que je vous fais. »

Kouan-Kong et Tchang-Fey, qui étaient présents, lancèrent sur lui des regards de colère. « Notre frère aîné est un rejeton de l’arbre d’or, une fleur de la tige de jade, un descendant de l’empereur, s’écria Fey avec indignation en tirant son sabre, et tu oses, toi, fils d’une esclave, l’appeler sans façon ton frère cadet ! Viens, viens te mesurer avec moi ; viens, que nous croisions trois cents fois le fer de nos lances ! — La paix, la paix, cria Hiuen-Té. » Et Kouan entraîna hors de l’appartement le guerrier furieux. « Il a trop bu, dit Hiuen-Té à Liu-Pou en souriant ; le vin lui a mis à la bouche ces grossières paroles ! Mon frère aîné, pardonnez-lui ce propos ! » Liu-Pou garda un morne silence ; et comme il reconduisait son hôte après le repas, il vit hors du palais Tchang-Fey, à cheval, la lance au poing, qui accourait sur lui et le provoquait de nouveau. Cette fois ce fut Hiuen-Té qui, galopant au-devant de Tchang-Fey, l’arrêta dans sa colère.

Le lendemain, Liu-Pou allant visiter Hiuen-Té, celui-ci eut soin d’écarter son redoutable ami pendant l’entrevue. « Dans la