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bras que je dois indirectement la possession de cette ville ; s’il me la demande, je suis obligé de la lui céder. Comment donc pourrais-je ne pas lui témoigner des égards et de l’attention ? — Frère, reprit Tchang (l’un des deux guerriers qui s’étaient attachés à sa personne), votre cœur est toujours bon à l’excès ; au moins tenez-vous sur vos gardes. »

Ce fut donc avec mille soldats environ que Hiuen-Té se porta au-devant de Liu-Pou à une lieue des murs, et ils firent ensemble leur entrée dans la ville. À cheval tous les deux, ils marchèrent jusqu’au palais du gouverneur, et là, après les cérémonies d’usage, ils prirent des siéges. Liu-Pou dit à son hôte : « J’ai tué Tong-Tcho ; mais voilà que Ly-Kio et Kouo-Ssé viennent de faire une révolution, et je me trouvais errant dans les pays à l’est des passages quand j’ai appris que vous aviez sauvé le Su-Tchéou. De mon côté, je m’emparais de Yen-Tchéou, afin de former ainsi deux puissances qui pussent attaquer en même temps ces deux généraux orgueilleux. Malheureusement, je me suis laissé prendre au piége que me tendait Tsao, et j’ai entraîné dans mes malheurs vos deux frères adoptifs, Yun-Tchang et Tchang-Fey[1]. Par suite, me voici en butte à la haine des vassaux indépendants. Unissons-nous donc pour soutenir la dynastie et ramener de nouveau la paix dans l’Empire ; qu’en pense mon hôte illustre ? »

« Le seigneur de ce pays étant retourné au Ciel il y a peu de temps, répondit Hiuen-Té, sans laisser personne digne de lui succéder, je me trouve chargé de la direction des affaires ; mais trop heureux de voir l’illustre général arrivé près de moi, je lui cède les insignes du pouvoir, à lui, doué de toutes les vertus qui me manquent ; daignera-t-il les accepter ? » Déjà Liu-Pou s’avançait pour prendre le sceau, mais derrière Hiuen-Té il vit Tchang et Yun qui faisaient mine de tirer leurs sabres. « Je suis un héros, leur dit-il avec un sourire forcé, et par conséquent digne de gouverner cette province. »

Hiuen-Té allait abdiquer ; Tchin, conseiller de Liu-Pou,

  1. Ceci fait allusion à la bataille qui se livra au passage de Ky-Chouy cinq ans auparavant. Voir livre I, chap. IV, p. 95.