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Tsao-Tsao, il se servit des troupes que ce ministre mettait sous ses ordres pour tenter de s’emparer de l’Empire. Liéou-Pey, surnommé Hiuen-Té, devait toute son influence à ses belles qualités, au sang des premiers Han ses aïeux. Il avait de bonne heure quitté son échoppe de cordonnier et de fabricant de nattes pour s’armer contre les Bonnets-Jaunes. Deux aventuriers se joignent à lui par hasard ; devenus amis, ils jurent de vivre et de mourir ensemble, de se dévouer au salut de la dynastie, et ce serment, ils le scellent avec le sang des victimes immolées dans un verger, sous les pêchers en fleurs. Désormais, ils s’appellent frères ; le droit d’aînesse appartient à Liéou-Pey. En toute occasion, ils tiennent pour les Han, pour cette dynastie expirante dont ils ne désespèrent jamais. D’une bravoure chevaleresque dans les combats, comme Roland, comme les preux du moyen âge, comme eux aussi ils manient des armes gigantesques et montent des chevaux fameux qui ont des noms. Tchang-Fey et Yun-Tchang, les deux frères adoptifs du héros, le compromettent quelquefois, le premier par sa violence, le second par sa témérité irréfléchie ; mais Liéou-Pey les tempère à force de douceur, les redresse à force de patience, les réhabilite et les excuse à leurs propres yeux à force de tendresse. On trouverait difficilement dans l’antiquité un caractère plus chrétien que celui de Liéou[1]. Il consent à recevoir de Tsao-Tsao, mais au nom de l’empereur, le gouvernement d’une province. Toujours prêt à se séparer du ministre quand il le voit tendre à l’usurpation, ballotté d’un parti à l’autre,

  1. Son surnom ou nom honorifique, Hiuen-Té, signifie vertu obscure, vertu qui ne cherche pas à briller.