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sans importance. La double nouvelle de la mort de Tao-Kien et de l’élévation de Hiuen-Té lui causa un grand déplaisir ; il se trouvait frustré dans sa vengeance, et un autre que lui obtenait sans effort cette principauté. Sa colère allait jusqu’à vouloir tuer le nouveau vice-roi et anéantir le cadavre de l’ancien pour assouvir sa rage ; il ordonna, en conséquence, que l’on se tînt prêt à marcher. Tout cela causait de vives inquiétudes à Hiuen-Té, qui prévoyait de grands malheurs.


II.[1]


Tsao allait donc partir avec ses troupes pour s’emparer de Su-Tchéou lorsque Sun-Yo l’en dissuada. « Autrefois, lui dit-il, Kao-Tsou, fondateur de la dynastie des Han, et Kwang-Wou, qui en était comme le rénovateur, ont gardé le Kouan-Tchong et occupé le Ho-Neuy[2]. Tous les deux, ils ont fait de ces contrées le point central de l’Empire, la base sur laquelle ils s’appuyaient pour gouverner la terre. Soit que marchant en avant ils obtinssent la victoire sur leurs ennemis, soit que battant en retraite ils fussent réduits à rester sur la défensive, à la fin ils purent, malgré bien des revers et des échecs, arriver à de grands résultats en possédant ces contrées. Seigneur, faites de Yen-Tchéou la base de vos opérations, votre capitale. Les deux fleuves Ho et Tsy enferment dans leur cours le pays le plus important de l’Empire ; il équivaut à ce que les anciens appelaient Kouan-Tchong et Ho-Neuy. Si vous prenez la ville de Su-Tchéou, il faudra y laisser beaucoup de troupes, et alors vous vous priverez d’une forte partie de votre armée ; si vous y mettez une faible garnison, Liu-Pou profitera de cette faute pour s’emparer d’un chef-lieu si utile à posséder. Si nous perdons Yen-Tchéou que nous occupons aujourd’hui sans pouvoir prendre cette autre place trop convoitée, je vous le demande, seigneur, quel refuge vous restera ? Tao-Kien est mort, mais la ville est gardée par Hiuen-Té que le peuple aime avec une affection pa-

  1. Vol. I, liv. III, ch. IV, p. 61 du texte chinois.
  2. Les pays en dedans des passages et entre les divers bras du fleuve Jaune.