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le bruit de la mort de Tsao-Tsao. Dès le matin on fit semer dans Pou-Yang la nouvelle qu’il venait d’expirer sous sa tente après avoir été cruellement maltraité par les flammes. Aussitôt Liu-Pou assemble ses troupes, franchit les monts Ma-Ling[1] et arrive près des retranchements de Tsao-Tsao. Mais les tambours se font entendre ; les soldats embusqués dans la montagne l’enveloppent et l’attaquent de toutes parts ; c’est à peine si Liu-Pou, combattant en désespéré, put échapper à la mort et rentrer dans la ville. Désormais de part et d’autre on demeura tranquille sans sortir des retranchements ni des murailles.

Cette même année, des nuées d’insectes dévorèrent toutes les récoltes ; à l’est des passages, hors du territoire gouverné par l’empereur lui-même, le boisseau de grain se vendait cinquante enfilades de cuivre ; la famine fut si affreuse que les habitants de ce pays désolé se dévoraient les uns les autres. Quand il vit ses vivres épuisés, Tsao-Tsao se retira avec ses troupes dans la ville de Yen-Tching (l’une des trois qui lui restaient fidèles de la province conquise par Liu-Pou), pour y passer cette année de disette.

De son côté, Liu-Pou alla, à la tête de son armée, ramasser de force des provisions dans le Chan-Yang. Ainsi finit (momentanément du moins) cette lutte entre les deux généraux.

Cependant le vieux gouverneur de Su-Tchéou, Tao-Kien, voyant ses infirmités s’aggraver chaque jour, consulta ses deux conseillers, Tchin-Teng et My-Tcho. « Si Tsao s’est retiré, dit celui-ci, c’est que Liu-Pou reste maître de Yen-Tchéou. Maintenant la disette a amené une suspension d’armes ; au printemps, soyez-en sûr, la guerre recommencera. Croyez-moi, cédez votre gouvernement à Hiuen-Té. Déjà il a refusé deux fois, c’est vrai, mais votre santé n’était pas altérée comme elle l’est aujourd’hui. Dans l’état d’accablement où vous vous trouvez, il n’y a plus à balancer ; cédez, seigneur, cédez votre place au héros. »

Aussitôt un exprès envoyé par Tao-Kien alla à Siao-Pey prier

  1. Le mont Ma-Ling était le lieu où s’élevait la sépulture de l’épouse de Tsiang-Taï-Kong, nommée Ma. Ce fut là aussi que les troupes de Pang-Youen essuyèrent une défaite. (Note de l’éditeur chinois.)