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core deux généraux lui barrent le chemin. Alors Tien-Wey, l’œil enflammé, les dents serrées, se fraie une issue jusqu’au delà des portes, et refoule hors des murailles les deux chefs ennemis qui ont fondu sur lui. Il a pu nettoyer le passage, et debout sur le pont il se retourne, mais Tsao ne paraît pas[1].

Semant la mort autour de lui, Tien-Wey se rejette dans la ville : « Où est notre maître ? demande-t-il à Ly-Tien qui se présente à lui par hasard au pied des remparts. — Je le cherche en vain, répond celui-ci. — Eh bien ! courez vite hors des murs, appelez du secours, et moi je rentre pour savoir ce qu’est devenu notre chef. »

Là-dessus, renversant tout sur son passage, il pénètre au milieu de la ville sans apercevoir Tsao. Une seconde fois il va gagner la plaine, et près des fossés il se trouve face à face avec un autre général (Yo-Tsin) qui lui adresse la même question : « Où est Tsao ? — Je le cherche partout, mais en vain, répond Tien. — Allons ensemble le sauver à la pointe de nos lances, s’écrie Tsin. » Tous les deux ils arrivent aux portes de la ville, mais une bombe[2] lancée du haut des murs tombe à leurs pieds en éclatant. Le cheval de Tsin est rejeté en arrière, et Tien-Wey seul, bravant le feu et la fumée, se fraie pour la troisième fois une route dans la ville. Ainsi, trois fois il renouvela cette prouesse dont peu de héros ont été capables depuis !

Que devenait Tsao ? Quand il vit Tien se précipiter hors de la ville, rassemblant ses hommes, il voulut sortir aussi ; aucune porte ne lui livrait passage, et à la lueur des flammes il reconnut devant lui Liu-Pou qui faisait un grand carnage parmi ses soldats. Il fouette son cheval à tour de bras et cherche à traverser

  1. Dans ce passage, une foule de noms propres a été supprimée, les généraux secondaires des deux armées nous sont trop indifférents pour que nous les nommions à chaque ligne, comme le fait l’auteur chinois.
  2. Plus haut il a été question de canon ; ici la bombe est mentionnée. Le mot chinois Ho-Pao est expliqué par Morrison : « Guns, cannons and rockets, in which powder is inclosed. » Nous traduisons donc tantôt par canon, tantôt par bombe, selon que l’une de ces deux expressions se prête mieux au sens. Il est probable qu’il s’agit dans tout l’ouvrage, non point de canon, mais de ces boîtes dont on se servait jadis en France aux fêtes publiques et dont les Hindous ont conservé l’usage. Cette machine de guerre, citée fréquemment dans le San-Koue-Tchy, ne renfermait pas de projectiles ; on l’employait surtout pour faire des signaux de nuit.