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dignités de l’État, occupées successivement par lui et par ses ancêtres pendant quatre générations. Le peuple de l’Empire affectionnait beaucoup ce grand personnage ; il était là, non loin, à Chéou-Tchun ; que ne le mettait-on à la tête de la province ? « Youen-Chao est un homme vain et orgueilleux, dit Tchin-Teng, incapable de gouverner un pays au milieu des guerres civiles. Vous avez là, sous votre main, dans le Su-Tchéou, une armée de cent mille hommes ; avec elle vous devez sauver l’empereur et délivrer le peuple du fléau de l’anarchie, tout en gouvernant les terres de l’Empire et en défendant les frontières. Si vous ne vous laissez pas gagner par ces considérations, moi-même je n’ai plus foi en vous. — Youen-Chao est comme un vieil os pourri dans une tombe, ajouta Kong-Yong ; que sait-il faire ? Est-il homme à sacrifier les intérêts de sa famille à ceux de l’État ? Non ; alors peut-on compter sur lui ? Dans le cas présent, seigneur, c’est le ciel qui vous donne cette province ; acceptez-la, ou vous vous repentirez, trop tard, hélas ! »

Voyant Hiuen-Té toujours fermement résolu à rejeter ses offres, le vieux Tao-Kien le prit dans ses bras et lui dit en fondant en larmes : « Si vous m’abandonnez, seigneur, je mourrai et le chagrin me privera au delà de la vie de l’éternel repos. — Acceptez, mon frère, dit aussi Kouan-Kong[1], puisque Tao lui-même vous cède sa place ; » et Tchang-Fey (non moins dévoué mais plus violent) s’écria : « Il ne s’agit pas de le contraindre d’accepter des villes et des districts ; prenez cette tablette, insigne du pouvoir, donnez-la-moi à garder, et il ne dépendra plus de mon frère aîné de vous refuser plus longtemps. — Eh bien ! vous me poussez à bout, dit Hiuen-Té, vous me forcez à commettre un acte illégal, mais j’aime mieux mourir. » Il avait tiré son glaive pour se frapper au cœur ; Tchao-Yun détourna à la fois le bras et l’arme.

« Puisque rien ne peut vaincre l’obstination de Hiuen-Té, reprit le vieux gouverneur, voici ce que je propose. Près d’ici

  1. Surnom de Yun-Tchang, l’un des deux frères adoptifs de Hiuen-Té, l’autre est Tchang-Fey.