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que d’attendre ainsi la mort. « Je suis prêt, disait-il, à courir au-devant de l’ennemi pour défendre notre maître ! » Et les autres mandarins s’écrièrent : « Nous adoptons tous ce courageux dessein ! » Aussitôt Tao-Kien marcha avec ses troupes à la rencontre de Tsao, dont l’armée nombreuse, paraissant déjà devant la ville, faisait étinceler comme une neige brillante ses glaives et ses lances acérés.

Au milieu des rangs on voyait deux bannières pareilles à celles qu’on porte aux pompes funèbres : sur l’une Tsao avait fait peindre le titre et les noms de son père, sur l’autre l’image de son oncle Tsao-Té. Après avoir déployé ces deux étendards, qui annonçaient hautement la vengeance qu’il méditait ; après avoir disposé ses troupes en lignes menaçantes, Tsao, couvert d’une cuirasse d’argent et d’une blanche tunique de deuil, les yeux mouillés de larmes, s’avança au galop ; il injuria l’ennemi en lui reprochant sa trahison et le meurtre de son père. Le vieux gouverneur était aussi sorti jusqu’au pied de la grande bannière ; se dressant sur sa selle, il salua l’étendard de Tsao, et répondit : « Seigneur, nous étions unis par les liens de l’amitié ! Cet officier que j’envoyais pour escorter votre famille, pouvais-je supposer qu’il se rendrait coupable d’une telle perfidie ? Voilà toute ma faute, suis-je vraiment l’auteur de ces maux ? J’espère donc que l’illustre seigneur reviendra à des sentiments plus doux, qu’il admettra cette excuse et qu’il se montrera miséricordieux. — Vieux brigand, s’écria Tsao avec rage, tu as tué mon père et tu oses proférer ces stupides paroles ! Qui de vous va me prendre cet odieux vieillard, pour que je l’immole aux mânes de ceux qu’il a assassinés ? »

À sa voix, Heou-Tun alla attaquer le gouverneur, qui rentra bientôt dans les rangs. Le lieutenant de Tao-Kien, Fao, voulut le remplacer ; il se précipita la lance en arrêt. Les deux champions s’abordent, les deux chevaux se heurtent, quand tout à coup il s’élève un tourbillon furieux. Le sable vole, les pierres roulent, les branches des arbres tombent brisées ; toutes les bannières qui flottent dans les deux armées sont renversées, la lutte entre les deux lieutenants des généraux en chef est interrompue ;