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qua le motif de sa visite ; il venait pour tâcher d’arrêter les effets de sa colère. « Tao-Kien, disait-il, est un homme plein d’humanité, la violence n’a jamais été son défaut, l’appât du gain ne peut rien sur lui ; certainement il a des excuses valables à alléguer. D’ailleurs le peuple de cette province est de longue date soumis aux Han ; en quoi peut-il être l’ennemi de l’illustre général ! L’égorger serait une mauvaise action ; réfléchissez trois fois avant d’agir, je vous en conjure dans l’intérêt de tous ! »

« Vous-même, répondit Tsao d’un accent irrité, vous m’avez abandonné naguère ; de quel front osez-vous paraître devant moi ! Ce gouverneur a fait périr ma famille, et moi j’ai juré de lui arracher le cœur pour donner un exemple au monde. Vous êtes un ami intime de ce Tao-Kien, et vous espérez arrêter mon bras ? » Tchin-Kong ne chercha plus à combattre les dessins de Tsao, il se retira en disant : « Hélas ! puis-je désormais me présenter devant les serviteurs de la dynastie des Han ! » Au lieu de retourner vers celui au nom de qui il était venu, Tchin s’enfuit au galop près de Tchang-Miao (gouverneur militaire de Tchin-Liéou), qui le reçut avec tous les égards dus à un hôte de qualité.

Partout où passait l’armée de Tsao, il ne restait ni animaux domestiques autour des maisons, ni arbres dans la campagne, ni hommes sur les routes. Averti de l’approche de ces forces irrésistibles, le gouverneur Tao-Kien, retiré dans la ville, adressait au ciel ses soupirs et ses larmes ; il s’accusait d’avoir lui-même, par ses propres fautes, attiré cette calamité sur son peuple. Quand il apprit que Tsao égorgeait déjà tous les habitants du Su-Tchéou et s’emparait des autres places de la province, afin d’affaiblir le chef-lieu, il éclata en imprécations contre le traître Tchang-Kay, auteur de tous ces maux. « C’est ce brigand, dit-il, qui, emporté par la passion des richesses, fait commettre tant de meurtres. »

Cependant le pauvre gouverneur assembla tous ses subordonnés pour délibérer avec eux. Dans le conseil, il y eut un mandarin nommé Tsao-Pao qui proposa de combattre plutôt