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dans les fragments choisis qui accompagnent son Orphelin de la Chine[1]. Prise isolément, cette courte histoire présente un ensemble achevé ; dans le cours du récit, elle est, au milieu des tristes et sanglantes journées qui se succèdent sans relâche, un repos nécessaire.

Une esclave danseuse, touchée du chagrin de son maître, qui pleure en secret sur les malheurs du pays, lui arrache son secret et se dévoue au salut de l’empire. Elle consent à devenir à la fois la maîtresse de Tong-Tcho et la femme de son favori ; elle sera entre eux la pomme de discorde ; elle armera le séïde du tyran contre celui dont il s’est fait le partisan le plus soumis. Une fois qu’elle s’est chargée de sa périlleuse mission, la jeune femme sait la remplir jusqu’à la fin, en déployant toutes les séductions et toutes les ruses que comporte son double caractère de danseuse et d’esclave. Le régent tombe sous le glaive du favori, et sa mort amène une de ces orgies populaires qui épouvantent les capitales, quand la populace passe de la terreur à l’enivrement de la licence. Rien ne manque à cette scène hideuse, où l’on croit retrouver le peuple romain célébrant le trépas de quelque empereur abhorré, pas même l’ami qui vient pleurer sur le cadavre de cet autre Néron, et protester, par son deuil, contre la brutalité du triomphe.

Quatre partisans de Tong-Tcho s’étaient enfuis à la tête de quelques troupes ; la cour refuse de leur accorder le pardon qu’ils demandent. Les deux plus hardis s’irritent de voir leurs propositions repoussées ; ils portent un défi aux grands qui les proscrivent, et reparaissent devant la capitale

  1. C’est sa traduction même que nous avons textuellement reproduite, liv. II, ch. III, pag. 125 à 131.