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en arrière n’eut pas le temps de se mettre en bataille. Poursuivis avec acharnement par les soldats tout frais que Tchang-Tsy et Wan-Tchéou jetaient sur leurs pas, les gens de Sy-Liang essuyèrent donc une grande défaite.

Le jeune Ma-Tchao combattait en désespéré dans cette arrière-garde, et Tchang-Tsy n’osa le harceler plus longtemps ; mais après avoir été poursuivi jusqu’à un endroit nommé Tchin-Seng, Han-Souy se retourna vers Wan-Tchéou qui ne lui donnait aucun relâche, et lui dit : « Comment deux compatriotes peuvent-ils avoir l’un envers l’autre les sentiments d’un ennemi ? — Pourquoi résister aux volontés d’en haut ? répondit Tchéou en tirant aussi la bride de son cheval. — Lequel de nous deux se révolte contre le ciel et contre la terre, répliqua Han-Souy, personne ne peut le dire ; je me bats, moi, pour la dynastie ; après tout, nous sommes, vous et moi, du même district ; aujourd’hui, il est vrai, je me trouve un peu battu, mais bientôt je reparaîtrai à la tête d’une nouvelle et grande armée ; qui sait ? peut-être par l’effet d’un hasard inattendu, vous pourrez essuyer un revers et vous retrouver devant moi… »

Ces paroles changèrent le cours des idées de Tchéou ; fouettant son cheval pour rejoindre en ami celui qu’il harcelait auparavant, il échangea avec son compatriote quelques mots d’adieu et le laissa fuir. Tandis qu’il ramenait ses troupes au camp, Ma-Teng et Han-Souy purent continuer leur retraite vers le Sy-Liang.

Mais le fils du frère aîné de Ly-Kio, Ly-Pie, qui en voulait déjà à Tchéou, l’ayant vu converser avec l’ennemi, le dénonça à son oncle : « Je ne sais trop ce qu’ils se sont dit, raconta le jeune Ly-Pie, mais le général vaincu l’ayant appelé son compatriote, il a ralenti son cheval pour échanger avec lui une parole d’adieu, et ils ont eu l’air de s’entendre parfaitement. »

Déjà, dans sa colère, Ly-Kio voulait courir avec ses troupes au-devant de celui qu’il regardait comme un traître, et Kia-Hu lui conseilla de ne pas faire pour l’instant une pareille démonstration, car l’esprit des troupes n’était pas encore bien assuré ; il valait mieux inviter à un banquet Tchéou et son complice