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voyance et de tactique. Je vais conduire ma division à l’entrée du défilé et, à force de le provoquer, je l’amènerai à livrer bataille. Vous, Kouo, retirez-vous hors du chemin dans un lieu d’où vous puissiez harceler nuit et jour les derrières de l’ennemi. Fidèle à la vieille règle de Ping-Youen, du royaume de Tsou, battez la charge avec le tambour de cuivre, battez la retraite avec le tambour de peau. Tandis que Liu-Pou négligera de surveiller ses deux flancs, Tsy et Tchéou fileront par deux routes sur la capitale ; attaqué en tête et en queue, l’ennemi ne pourra se défendre et certainement nous le taillerons en pièces. »

Cet avis fut adopté par tous les chefs ; aussi, quand Liu-Pou marcha vers la montagne, Ly-Kio descendit à sa rencontre, le reçut assez mollement et recula à mesure que le guerrier invincible se lançait comme un furieux à travers ses lignes. Bientôt sa fougue l’avait entraîné jusqu’au haut de la montagne d’où les pierres et les flèches commencèrent à pleuvoir sur lui ; il ne put aller plus loin, et Kouo-Ssé l’attaqua en queue avec avantage. En vain voulut-il faire volte-face et combattre encore, Kouo-Ssé battit la retraite sur le tambour et fit revenir ses troupes. Celles de Liu-Pou n’étaient pas encore ralliées, quand Ly-Kio sonna la charge et attaqua à son tour. C’est lui que Liu-Pou veut combattre alors, mais Kouo-Ssé se rejette sur ses derrières, le harcèle et se retire comme la première fois, au son du tambour de peau. Ainsi, chacun à leur tour, celui-ci en avant, celui-là en arrière, le jour, la nuit, le soir, le matin, ils lui livrent bataille en tombant sur lui inopinément, en lui faisant tourner la tête à force de l’irriter. La fureur de Liu-Pou est à son comble. Tout un jour se passe ainsi ; il ne peut ni combattre ni se reposer ; et tandis qu’il se consume de rage, des éclaireurs viennent lui annoncer que les divisions de Tchang-Tsy et de Fan-Tchéou ont marché sur la capitale, et que la ville est fortement menacée.

Dans cette circonstance critique, Liu-Pou donne l’ordre de retourner en arrière ; déjà ses deux adversaires le serrent de près, mais il ne songe pas à combattre, il ne veut que se frayer un passage et fuir, renversant autour de lui hommes et chevaux,