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laissez-moi la vie, pour que je puisse écrire jusqu’au bout l’histoire de la dynastie des Han ! »

Tous les grands mandarins appréciaient les talents de Tsay-Yong, et ils tentèrent de le sauver. Le secrétaire d’État Ma-Jy-Tay répondit à Wang-Yun : « Celui que vous accusez ainsi est un homme plus que supérieur, et il connaît à merveille les faits et gestes de la dynastie des Han ; lui laisser écrire l’histoire de cette famille, c’est accomplir le premier devoir envers le siècle où nous vivons. D’ailleurs la loyauté, la droiture de sentiments, sont des vertus naturelles en lui ; punir par la peine de mort des fautes qui ne méritent point un châtiment si sévère, n’est-ce pas tromper l’attente même des plus sages ? — Non, reprit Wang-Yun ; autrefois Wou-Ty des Han n’a pas voulu punir de mort Ssé-Ma-Tsien, il en fit son historien, et celui-ci a glissé dans ses écrits des calomnies qui traversent les siècles. Maintenant les lois de l’Empire sont sans force, le despotisme militaire règne à leur place ; aucun historien habile, mais malintentionné, ne doit prendre ses pinceaux et se tenir en qualité de chroniqueur auprès du jeune souverain ; car, sans être d’aucun avantage à l’empereur lui-même, un pareil écrivain mettrait çà et là sur notre compte à tous des imputations déshonorantes ! »

Le ministre Ma-Jy se retira sans rien répondre à Wang-Yun, mais il dit aux mandarins en se tournant vers eux : « Ne l’écoutez pas ; les hommes habiles sont la base de l’Empire, mais l’histoire en est la règle. Si on renverse la base, si on brise la règle, où ira-t-on ? » Mais Wang-Yun fit jeter Tsay-Yong dans une prison où il mourut étranglé ; et tous les lettrés, tous les grands, ceux qui le connaissaient et ceux qui ne le connaissaient pas, tous les contemporains, en un mot, pleurèrent sa mort.

On se rappelle les quatre partisans de Tong-Tcho qui avaient fui dans le Chen-Sy : c’étaient Ly-Kio, Kouo-Ssé, Tchang-Sy et Fan-Tchéou ; ils envoyèrent à la capitale proposer leur soumission. Wang-Yun, toujours inflexible, voyait en eux les séides de Tong-Tcho, ceux qui l’avaient aidé dans tous ses crimes, et il s’écria : « Que l’on proclame une amnistie générale,